Miles Ignotus

Livre VI – épisode 1

Villa Aconia, nuit. Arthur et Julia s'accouplent dans un recoin discret, on entend la fête battre son plein dans l'atrium, puis la voix indistincte de Glaucia qui crie.
Caius (Hors-champ.) Arturus... Arturus !
Arthur Putain, quoi ?
Caius Viens vite, c'est la merde ! Y a Glaucia qui est arrivé, il faut se tirer !
Arthur (S'approche de Caius.) Glaucia ? Mais qu'est-ce qu'il fout là, c'est lui qui gueule, là ?
Caius Ouais mais il est torché, il s'en est pris à la fille, là !
Arthur Quelle fille ?
Caius Mais l'autre fille, là ! La copine de Mani !
Julia Licinia ?
Caius Ouais ! Tirez-vous tout de suite avec Mani, si jamais il vous reconnaît ça va tout me retomber sur la gueule !
Manilius (Arrivant vers Caius.) Oh ! Tu comptes faire quelque chose ou pas ?
Caius Quoi, qu'est-ce que tu veux que je fasse ?
Manilius Ils sont en train de dérouiller Licinia, putain ! Je fais quoi, j'attends que ça passe ?
Caius (Apeuré.) Mais c'est un supérieur ! Même si je demande aux autres de... de le maîtriser, ils bougeront pas ! Alors Arturus et toi vous vous tirez tout de suite avant de vous faire repérer, c'est la seule chose à faire !
Manilius Arturus il fait ce qu'il veut, moi je laisse pas faire ça, je fonce dedans ! (Retourne vers l'échauffourée.)
Caius Non arrête, arrête !
Arthur Mani ! Mani arrête ! (S'enroule d'une étoffe, sort de son recoin et se dirige vers l'atrium.)
Glaucia (Hurle des propos indéfinissables et tient Licinia par la gorge, agenouillée.)
Procyon (Maintient Manilius au sol, la tête sous son pied.)
Glaucia Regardez-moi ce qu'on pêche, par ici ! Je croyais que c'était une fête de bourgesbourge (n.) Personne qui expose son aisance matérielle et financière au travers de signes extérieurs de richesse
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 ! (À Aconia.) Alors Madame, on accueille des soldats dans ses soirées ? Des soldats sans permission ? Mais c'est que c'est drôlement interdit, ça ! (Désignant Licinia.) J'allais m'envoyer la morue, là, mais c'est peut-être carrément la patronne que je vais pouvoir me farcir !
(Les convives protestent, choqués.)
Glaucia Oh ! Tu m'entends ? Aconia ! Depuis quinze ans que je rêve de te monter dessus, c'est peut-être le moment de te faire ma demande !
(Arthur, Julia et Caius observent la scène, légèrement en retrait de la foule.)
Julia (À Arthur.) Qu'est-ce que tu fais, tu t'en vas ?
Caius (Désespéré.) Vous voyez où ça mène, vos conneries... combien de coups de fouet je vais me prendre sur la gueule, maintenant, à cause de vous...
Julia (À Arthur.) Vas-y, va, sauve au moins ta peau...
Arthur (Saisit le voile posé sur la tête de Julia et l'observe, pensif.)
(Ouverture.)
Quartiers riches, matin. Un groupe de soldats de la milice urbaine, dirigés par Iuventius et comprenant notamment Arthur, encercle un mendiant.
Iuventius (Aux soldats.) Allez, vous me le virez, celui-là ! Et vous lui faites ramasser son bordel !
Arthur (Au mendiant.) Allez, faut partir maintenant.
Iuventius (À des badauds attroupés.) Bon allez allez allez, on retourne à ses occupations, là ! C'est pas un spectacle de rue, hein !
(Les soldats chassent les badauds.)
Arthur Allez allez allez, filez... debout...
Iuventius Il est encore assis, celui-là ? Vous me le déblayez, oui ou non ? Falerius !
(Falerius et un autre soldat saisissent le mendiant et le mettent debout.)
Iuventius (Au mendiant.) On repasse dans une heure ! Si tes merdes sont encore là, je te les fais bouffer une par une, compris ? (Aux soldats.) Allez on y va.
(Le groupe passe devant un groupe de jeunes femmes qui le saluent et le sifflent, amusées.)
Iuventius Allez allez, Mesdemoiselles, on file ! Vous les retrouverez à leur prochaine permission ! Allez, circulez !
Tente de Macrinus, matin. Macrinus écrit ses mémoires.
Macrinus (Pour lui-même, pensant et écrivant.) D'après le dernier rapport des espions, l'ennemi s'apprête à tenter une percée par l'ouest. Il y a moins de trois semaines, ils attaquaient à l'est. Si ces imbéciles réunissaient ne serait-ce qu'une seule fois leurs forces, pour attaquer des deux côtés en même temps... ils reprendraient l'île de Bretagne en une seule vague. Combien de décennies encore jouerons-nous ce spectacle absurde ? Eux au nord, nous au sud, et le mur d'Hadrien au milieu, qui dessine son immuable ligne de démarcation. Ici, la stratégie ne sert à rien. Les règles martiales ne s'appliquent plus quand l'ennemi n'en a pas le moindre enseignement. Leur énergie n'est pas celle de la rébellion ou du patriotisme. Ces ennemis-là ne connaissent que le courage conféré par l'orgueil, la vexation et la mauvaise foi. J'ai décidé aujourd'hui de proposer une somme d'argent colossale à leur chef, en échange de sa parole de ne pas attaquer. La tradition chez ces brutes veut qu'un chef ne peut pas rompre un serment. J'ai honte d'opposer ainsi aux frondes adverses la lance fourbe de la cupidité. Mais en Bretagne, la honte s'envole et ne retombe jamais. Ni sur moi, ni sur la légion, ni sur Rome.
Cordius (Entrant.) Dites, euh... vous voulez pas grignoter une bricole ?
Macrinus (Dans ses pensées.) Quoi ?
Cordius Oh bah déjà hier soir, vous n'avez rien avalé ! Alors, si vous voulez, je peux vous arranger un petit quelque chose avec des restes !
Macrinus Non.
Cordius Ouais, vous vous rattraperez ce soir ! Plotius a relevé les collets... la prise est bonne !
Macrinus C'est ça.
Cordius Bon. (Sort.)
Tente des hommes de Macrinus, matin. Cordius entre. Les soldats se réchauffent autour d'un feu.
Cordius Hé les gars ! Vous savez ce qu'on bouffe, ce soir ?
(Les soldats ne répondent rien.)
Cordius Du lièvre.
(Les soldats ne réagissent pas.)
Cordius (Part.)
Antichambre du Sénat, jour. Sallustius est assis, impassible, et reçoit les remontrances de Lurco, Flaccus et Desticius, debout devant lui, et de Pisentius, assis dans un coin. Servius se tient à côté de Sallustius.
Desticius Alors là, cette fois-ci, la coupe est pleine !
Lurco Je crois... qu'on a été plus que patients, Sallustius. J'espère que tu t'en rends compte.
Flaccus Il se rend compte de rien... on passe pour des glands du nord au sud de l'Empire, il voit même pas !
Lurco Bah non, il voit pas... mais c'est parce qu'il navigue dans d'autres eaux... n'oubliez pas que Lucius Sillius Sallustius prend ses ordres de Caesar lui-même !
Pisentius Je vais vous dire... le jour où j'ai accepté d'être sénateur... j'aurais mieux fait de me péter une jambe.
Servius Ça peut encore s'arranger.
Sallustius (Se lève.) Bon, je... je... je crois que j'ai à peu près saisi le concept... en résumé, vous n'êtes pas contents ?
Lurco En résumé ? Pas vraiment, non.
Desticius On a paumépaumer (v.) Perdre
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l'Afrique... on a paumépaumer (v.) Perdre
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l'Asie Mineure... un jour on va paumerpaumer (v.) Perdre
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nos frocs, et ça n'inquiète personne.
Flaccus Et la Bretagne ?
Desticius Ouais...
Flaccus Vous voulez qu'on en cause un peu, de la Bretagne ?
Pisentius (Abattu.) Oh non... pas la Bretagne...
Lurco (Ricane.) La Bretagne ! Ça c'est le bouquet !
Flaccus Combien de temps ça fait qu'on rame en Bretagne ? Combien de temps ça fait qu'on n'est pas foutus de passer le mur d'Hadrien ?
Lurco Depuis qu'on l'a monté ! Trois cents piges !
Desticius Trois cents piges !
Pisentius Trois cents piges qu'on passe pour des cons...
Lurco À Ravenne ils se foutent de nous... à Byzance ils se foutent de nous...
Sallustius (Provocateur.) Bon, alors... j'admets volontiers que... on se fout un peu de vous partout dans l'Empire et qu'on vous tient pour une solide équipe de connards. En revanche, est-ce que vous êtes sûrs que c'est à cause de la Bretagne ? Non mais je... je vous pose la question.
Servius (S'approche de Sallustius.) Mais qu'est-ce que vous discutez, là...
Sallustius Non non non...
Servius Mais venez, on y va...
Desticius La Bretagne, c'est un signe !
Flaccus Si la Bretagne... ça avançait un peu, hein ? Si on avait la main véritablement dessus, par exemple...
Pisentius Sur toute la Bretagne, pas seulement la moitié du bas...
Servius Qu'est-ce que vous avez ce matin avec la Bretagne ?
Desticius On dit « la Bretagne » parce que c'est petit !
Flaccus Voilà, et puis qu'on en a déjà la moitié !
Pisentius (S'approche des autres.) Juste... une petite conquête, Sallustius... une moitié de conquête, juste une... qu'on puisse se balader sans trop raser les murs...
Desticius C'est quand même pas grand-chose, la Bretagne !
Lurco (S'approche de Sallustius.) Et comme ça... on serait pas obligés de te retirer notre confiance ! (Part, puis se retourne et s'adresse à Flaccus, Desticius et Pisentius.) Ben vous me suivez pas, vous ?
Desticius Hé bah je sais pas, euh... tu vas où ?
Lurco Bah nulle part... je voulais juste faire une phrase bien, et puis après... tac, on s'en va tous ensemble ! Ah si je m'en vais tout seul, là, j'ai l'air un peu con, non ? (Sort.)
(Flaccus, Desticius et Pisentius suivent Lurco.)
Magasin de la caserne, jour. Iuventius est assis à son bureau et interroge Arthur et Manilius.
Iuventius J'en ai marre de vous deux ! Vraiment ! Manilius, pourquoi t'es pas venu à l’entraînement, ce matin ?
Manilius Je suis revenu de la patrouille avec une cheville enflée.
Iuventius Une cheville enflée. Et ça va mieux ?
Manilius Si je bouge pas trop, ça va.
Iuventius T'auras pas besoin de trop bouger, je te supprime deux semaines de permissions.
Manilius Ah bon. Mais en fait, euh... j'ai déjà trois semaines en moins à cause de la nourriture.
Iuventius La nourriture, quelle nourriture ?
Manilius La nourriture que j'ai volée.
Iuventius Mais qui t'a collé trois semaines ?
Manilius Procyon.
Iuventius Oh ! Tu veux faire du cachot, en prime ?
Manilius Pardon. Aulus Milonius Procyon.
Iuventius Je comprends pas, il m'a rien dit...
Manilius Peut-être qu'il a changé d'avis ?
Iuventius C'est ça... bougez pas de là, vous deux. (Se lève.) Je vais lui poser la question. (Sort.)
Manilius Qu'est-ce que t'as fait, toi ?
Arthur (Soupire.) J'ai refusé de taper Papinius à l’entraînement. Tu le saurais si t'étais venu.
Manilius Pourquoi ?
Arthur Parce que je veux pas taper sur Papinius.
Manilius Non mais... pourquoi ? Si c'est un ordre ?
Arthur Parce que je veux pas !
Manilius C'est pas tellement à toi de choisir...
Arthur Dis donc, (soupire) je sais pas si t'es bien placé pour me donner des conseils.
Falerius (Hors-champ, de la pièce adjacente.) Mani, t'es là ?
Manilius Qu'est-ce qu'il y a ?
Falerius (Passe la tête de derrière un rideau et murmure.) T'es demandé au parloir... et passe par les toits, y a du monde dans la cour.
Manilius C'est qui ? C'est Licinia ?
Falerius Ouais... et j'en ai plein le dos de faire le messager pour toi et ta gonzesse. Un jour je vais me faire gauler avec tes conneries !
Manilius (Enlève sa tunique et la tend à Arthur.) Tiens, tu peux me prendre ça ?
Arthur Qu'est-ce que tu veux que j'en foute ?
Manilius Ça daubedauber (v.) Sentir mauvais, puer
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, c'est plein de sueur, je peux pas la voir avec ça !
Arthur Oh non, mais... c'est pas que la tunique qui daubedauber (v.) Sentir mauvais, puer
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, c'est tout l'ensemble ! Je te signale que Iuventius va revenir, t'es pas censé te barrer du bureau !
Manilius (Jette sa tunique sur le bureau.) Tu trouveras un truc à dire ! (Sort.)
Falerius Et toi, tu te fais pourrir à cause de ce matin ?
Arthur (Acquiesce.) Ouais.
Falerius Ouais... moi non plus j'aime pas quand on se tape dessus entre nous... seulement...
Arthur Seulement quoi ?
Falerius Seulement, si on suit pas les ordres...
Arthur (Hausse les épaules.)
Falerius (Voyant Iuventius arriver.) Iuventius ! (Part.)
Iuventius (Entre.) Bon... effectivement, il t'a mis trois semaines... (Remarque l'absence de Manilius.) Ben où il est ?
Arthur C'est-à-dire, il a été obligé de s'absenter à cause de sa cheville.
Iuventius Tu te fous de moi ? (Désigne la tunique de Manilius.) Et ça ?
Arthur Euh... ouais, il a... laissé sa tunique.
Iuventius Pourquoi faire ?
Arthur Je sais pas.
Iuventius Bon. Ben il est pas près de sortir prendre l'air, celui-là. (Criant.) Falerius ! Va me chercher Manilius, et au trot ! (À Arthur.) Bon... qu'est-ce qui t'a pris de discuter mes ordres ?
Arthur Je suis désolé.
Iuventius (Moqueur.) On veut pas taper sur son copain Papinius, c'est ça ? (Sévère.) Sur un champ de bataille t'as pas le temps de réfléchir, je te signale ! On te dit de taper, tu tapes !
Arthur Enfin sur un champ de bataille, j'ai quand même peu de chance de tomber contre Papinius...
Iuventius T'as fini, oui ? Papinius ou un autre, tu fais ce qu'on te dit et c'est tout !
Arthur Non mais quand même, un coup à la trachée !
Iuventius Et alors ? Ça peut te sauver la mise, le coup à la trachée ! Il faut le travailler, le coup à la trachée !
Arthur Oui, mais pas sur Papinius !
Iuventius Mais Papinius on s'en fout... ça existe pas, Papinius ! C'est rien, c'est anonyme, Papinius ! Tu vises la trachée, et t'envoies... l'autre, il peut plus avaler, il tombe... et terminé !
Arthur Bah oui, « terminé », je vais pas buter Papinius, quand même...
Iuventius Mais on n'en meurt pas forcément, du coup à la trachée, crétin...
Arthur Bah je suis désolé, j'y arrive pas.
Iuventius J'en ai marre de ta tronche, Arturus. T'es balaisebalaise (adj.) Doué, fort
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en stratégie, parce que tu passes ton temps à lire... mais tu réfléchis trop pour un soldat ! Je sais pas ce qu'on va faire de toi, mon pauvre vieux ! Allez, fous le camp.
Arthur (Se détourne.)
Iuventius Hé ! (Jette la tunique de Manilius à Arthur.) Tu rendras ça à ton pote, et t'en profiteras pour lui dire qu'il est bon pour deux jours de cachot. Ça lui apprendra à quitter mon bureau sans ma permission.
Arthur (Sort.)
Parloir de la caserne, jour. Manilius entre dans un box de l'écurie et se hisse sur une mangeoire pour atteindre une petite fenêtre.
Manilius Licinia ! Licinia !
Licinia (S'approchant de la fenêtre depuis la rue.) Ah ben quand même...
Manilius Quoi, « quand même » ? Hé, c'est pas facile, figure-toi !
Licinia Pour moi non plus c'est pas facile. Ça fait une semaine que je t'ai pas vu, qu'est-ce que tu fous ?
Manilius Je me fais sucrer toutes mes permissions, voilà ce que je fous.
Licinia Toutes tes permissions de la semaine ?
Manilius Exactement.
Licinia Mais pourquoi, qu'est-ce qui s'est passé ?
Manilius Je me suis fait prendre en train de piquer de la bouffe... de la bouffe pour toi, en plus...
Licinia Quand est-ce que tu pourras sortir ?
Manilius Je sais pas, ils ont pas encore décidé. Hé, il faut que j'y retourne, là maintenant, parce que si ils me trouvent ici, c'est toutes mes perms de l'année qui sautent !
Licinia Tâche de trouver un moyen, Mani, parce que je te jure ça devient dur, là.
Manilius Tu piques de la bouffe ?
Licinia Je pique un peu, sauf qu'au marché ils commencent à connaitre ma tête !
Manilius Tu fais pas le tapin ?
Licinia Non, je fais pas le tapin, mais si je trouve pas une solution il va peut-être falloir que je m'y mette ! (Entend une patrouille approcher.) Bon, j'y vais.
Manilius Non mais attends attends attends attends attends ! Attends...
Licinia Mais j'y vais, y a une patrouille, là ! (Part.)
Manilius Licinia ! (S'assoit dans la mangeoire et soupire.)
Sudatorium, jour. Sallustius et Servius prennent un bain de vapeur.
Servius Sallustius, s'il te plaît... me dis pas que tu prends ces pignoufs au sérieux... aujourd'hui tu leur donnes la Bretagne, demain ils te demanderont autre chose ! Ce qui compte pour eux, c'est d'emmerder le monde...
Sallustius Ça me préoccupe, Servius... ça... ça me préoccupe.
Servius Ils connaissent rien à la politique, rien à la défense, rien à rien ! Desticius, la seule chose qui l'intéresse c'est de savoir combien il va toucher, Flaccus il est beurré vingt-quatre heures sur vingt-quatre...
Sallustius Si je n'ai pas leur soutien, Ravenne centralisera toutes les décisions à la mort de Caesar. Voilà. Pour conserver un pouvoir exécutif romain, j'ai besoin de ces abrutis, c'est aussi simple que ça mais ça me coûte, par Minerve, ça me... ça me coûte.
Lurco (Arrive.)
Servius Tiens... lurco !
Sallustius (À Lurco.) Tiens, t'avais pas fini, tout à l'heure, au Sénat ? C'était juste l'entracte ?
Lurco Dis-moi, Sallustius... l'épée des rois, ça t'évoque quelque chose ?
Sallustius L'épée des rois ? Non.
Lurco (S'assoit vers Sallustius.) Une légende bretonne... une vieille épée coincée dans un rocher, que seul l'élu des dieux arrive à retirer... à ton avis, pourquoi est-ce que tous les chefs qu'on essaye de placer chez ces tarés sont pas foutus de fédérer le pays ?
Servius Parce qu'ils sont romains !
Lurco Non. Non... c'est parce qu'ils ont pas l'épée des rois ! Chez ces cons, le roi peut être romain, sassanide, chinois... ce qui compte, c'est qu'il ait l'épée des rois ! Si tu te débrouilles pour la récupérer, cette épée... tu mettras qui tu voudras à la tête du pays. Qui tu voudras. (Sourit.) T'y penses, à ça ? (Part puis se retourne et revient s'asseoir.) Je pars un peu comme un pet, là, mais j'aime bien le côté... « Je viens donner un renseignement énigmatique et puis hop là ! Je fous le camp... » C'est dramatique ! (Part.)
Quartiers riches, jour. Sallustius et Servius marchant dans la rue.
Sallustius (Prend une prune sur l'étal d'un marchand et la mange.) Dis donc... (Appréciant sa prune.) Mmh ! On reçoit des nouvelles, de... bretagne ?
Servius (N'en sachant rien.) Pfft.
Sallustius Mmh ?
Servius (Hausse les épaules.)
Sallustius Ben on reçoit ou on reçoit pas ?
Servius Si jamais on en reçoit, en tout cas moi je les lis pas.
Sallustius Qu'est-ce que tu penses de cette histoire de... légende, là ? Mmh ?
Servius Moi je pense que tout ce qui vient de Lurco, je m'en méfie comme de la peste.
Sallustius Essaie de te renseigner.
Servius Me renseigner ?
Sallustius Ouais ! (Part.)
Servius (Suivant Sallustius.) Et comment je fais, moi ?
Sallustius Trouve un Breton !
Servius (S'arrête.) Ah bah ouais, c'est simple, ça !
Sallustius (Observant une place pleine de monde.) Bien sûr, c'est simple... regarde, vois ! Notre glorieuse cité cosmopolite, regarde... carrefour des civilisations, hôtesse orgueilleuse de peuplades fascinées, regarde ! On nous reproche assez qu'il n'existe plus de vrais Romains, hein ? (Rit.) Hein ? Allez, trouve un Breton... trouve ! (Part.)
Mess des officiers, jour. Glaucia et Procyon mangent, Caius arrive.
Caius Ave.
Glaucia Bah quand même !
Procyon Quand on t'appelle, tu radines ! Tu fais pas de détour...
Caius Bah... j'ai pas fait de détour !
Glaucia T'as une permission, ce soir ?
Caius Ben... oui !
Glaucia Hé ben t'en as plus. Y a une fête, villa Aconia, on m'a demandé un service d'ordre, c'est toi qui feras les entrées, allez barre-toi.
Caius (Part, furieux.)
Procyon Non mais je comprends pas... je croyais que vous vouliez qu'on y aille...
Glaucia Pour picoler, ouais ! Pas pour faire le service d'ordre !
(On entend quelqu'un arriver.)
Glaucia Tiens, l'autre con qui revient !
Procyon Qu'est-ce que t'as oublié, débile ?
Servius (Entre.)
(Glaucia et Procyon se lèvent d'un bond.)
Glaucia Ave... Publius Servius Capito... t'avais demandé un rendez-vous ?
Servius Non. J'ai pas envoyé de fleurs, non plus.
Glaucia Qu'est-ce qui nous vaut l'honneur ?
Servius Je viens consulter le registre.
Glaucia Le registre ? De la caserne ?
Servius Bah tant qu'à faire, ouais.
Glaucia Euh... ah ben, mais euh... (À Procyon.) On en a un, de registre ?
Procyon C'est possible...
Servius En tout cas, quand je t'ai laissé la boutique, y en avait un. Et à jour.
Glaucia Ouais, mais... tu me l'as laissée y a quinze ans, la boutique, euh... je peux pas t'assurer que tout soit resté à la même place, hein ! Le registre, euh...
Procyon On s'en sert pas tellement, du registre !
Servius Surtout si vous savez pas où il est.
Glaucia Dis-moi plutôt de quoi t'as besoin !
Servius Du registre !
Glaucia (À Procyon.) Bon ben vas-y...
Procyon Vas-y où ?
Glaucia (Criant.) Mais chercher le registre !
Procyon (Part.)
Couloir de la caserne, jour. Procyon passe devant Caius et Manilius, assis sur un banc.
Manilius (Ayant attendu que Procyon soit passé.) Allez, dis-le...
Caius Non !
Manilius C'est où, la villa machin ?
Caius Je te dirai pas.
Manilius Caius... t'as l'occasion de me faire rentrer dans une fête de riches... arrête de faire ta grosse chienne et dis-moi où c'est !
Caius De toute façon t'as même pas ta perm, alors...
Manilius Je m'en fous, je fais le mur ! Je parie que y aura des tables pleines de bouffe, là-bas... du gibier, des petits pains, des desserts...
Caius Mais tu vas me foutre dans la merde, Mani...
Manilius Mais de toute façon ta perm est déjà sucrée, qu'est-ce que tu veux qu'il t'arrive de plus ?
Caius Des coups de fouet !
Manilius Mais non... allez, c'est où ?
Procyon (Repassant en sens inverse, tenant le registre de la caserne.) Du premier coup, je l'ai trouvé ! Pas du bol, ça ?
Caius Ben il a trouvé quoi ?
Manilius Change pas de conversation ! C'est dans le quartier des villas, c'est ça ?
Caius (Agacé.) Encore ?
Manilius Oui ou non ?
Caius Ben oui, puisque c'est une villa... non mais...
Manilius Mmh. Une villa avec des colonnes ou sans colonnes ?
Caius Je te dirai pas.
Manilius C'est une grande villa ou une petite villa ?
Caius Je te dirai pas !
Manilius De toute façon, des villas avec des colonnes y en a pas cinquante.
Caius Non, est-ce que je t'ai dit que y avait des colonnes ?
Manilius Y en a pas ?
Caius Si !
Manilius Ah.
Caius Tu fais chier...
Manilius C'est celle avec la fresque bleue ?
Caius (Soupire.)
Mess des officiers, jour. Glaucia et Servius compulsent le registre de la caserne sous le regard de Procyon.
Glaucia Et tu dis que ça date de quand ?
Servius Ben du début de mon poste, y a une quinzaine d'années... deux petits gamins, de cinq ou six ans... il me semble que y en avait un des deux qui venait de l'île de Bretagne... (Donnant à Procyon le feuillet de Falerius.) Tiens va me chercher celui-là.
Procyon (Ne bouge pas.)
Glaucia (Criant.) Grouille !
Procyon (Saisit le feuillet et sort.)
Servius Mais... depuis quand t'inscris plus personne, là-dedans ?
Glaucia Depuis quand, euh...
Servius Mais tu savais pas où il était, ça veut dire que tu t'en sers plus ! Quand est-ce que t'as arrêté ?
Glaucia (Mal à l'aise.) Euh, ben mais... j'ai jamais commencé.
(Procyon entre, poussant devant lui Falerius.)
Falerius Ave.
Glaucia Oui... on a besoin de savoir d'où tu viens !
Falerius D'où je viens ?
Glaucia (Impatient.) Où t'es né ! Dépêche-toi !
Servius Bon, n'aies pas peur, et réponds.
Falerius Euh... syracuse.
Procyon (Flanque une claque à Falerius.) Détourne pas la conversation ! Syracuse, c'est en Bretagne ou pas ?
Servius Bon, est-ce que tu connais un autre soldat qui serait arrivé en même temps que toi ? Du même âge ?
Falerius (Réfléchit.) Ben... y a peut-être Arturus, on a deux ans de différence.
Glaucia Foutez le camp me le chercher !
(Procyon et Falerius sortent.)
Servius Pardon, mais s'il était arrivé la même année, il serait sur la page d'avant ou la page d'après !
Glaucia Et il y est pas ?
Servius Ben non !
Glaucia Oh ben ça c'est les souris, ça ! Regarde, y a d'autres feuillets qui sont tout mangés !
Servius Ça s'enferme, les registres !
Glaucia Ah bon ?
Servius Ouais, et les trous du cul qui font pas leur boulot, ça s'enferme aussi !
(Procyon entre, poussant devant lui Arthur.)
Glaucia Ah le voilà ! Allez, dis-nous d'où tu viens !
Arthur Comment ?
Glaucia D'où tu viens ?
Arthur Ben... du dortoir !
Glaucia (Criant.) Mais où t'es né, crétin ! T'es pas dans le registre !
Servius Hé, doucement, là ! (À Arthur.) Est-ce que tu es né sur l'île de Bretagne ?
Arthur Sur l'île de Bretagne ? Je sais pas.
Glaucia Ah tu sais pas où t'es né ?
Arthur Ben, c'est-à-dire... moi, j'ai... toujours plus ou moins été ici !
Glaucia Non t'as pas toujours été ici, non, on... on n'accouche pas des gonzesses, ici ! T'es né quelque part, avant d'être ici !
Servius Bon, t'as aucun souvenir ?
Arthur (Soupire.) C'est-à-dire, euh... quelques trucs, quoi... un barbu...
Glaucia Un barbu ?
Arthur Ouais, un grand barbu, mais... franchement, c'est vague...
Servius Le nom de ton père, c'est quoi ?
Arthur Je sais pas.
Servius Ton nom à toi, c'est quoi ?
Arthur Arturus.
Servius Arturus quoi ?
Arthur Arturus, c'est tout. Si, euh... non il me semble que... je crois que j'ai pris un bateau.
Glaucia Un bateau ?
Servius Ouais. Quand on vient de Bretagne, on prend le bateau. (À Arthur.) Bon ! Hé ben tu vas venir avec moi.
Arthur Où ça ?
Procyon Pose pas de questions ! Tu iras où on te dira d'aller !
Servius Allez viens !
(Servius et Arthur sortent.)
Glaucia Ave, Servius... hésite pas, si t'as autre chose à me demander !
Procyon (Hausse les épaules, perplexe.)
Quartiers pauvres, jour. Verinus et Julia sont dans la rue, devant la maison de Licinia, qui leur parle depuis sa fenêtre. Julia tient son sac, Verinus un citron.
Licinia Non mais oh, tu me prends pour une auberge ou quoi ?
Verinus Bah... ça va, juste une ou deux nuits, je te demande pas souvent quelque chose, quand même !
Licinia Mais t'as rien à me demander, je suis pas ta sœur...
Julia Bon attendez, si c'est pas possible, c'est pas possible...
Verinus Attends, toi tu... tu laisses faire, chérie, tu te calmes un petit peu. (À Licinia.) Écoute, la petite vient d'arriver en ville, elle connaît personne à part moi !
Licinia Hé ben justement, pourquoi tu l'héberges pas, toi ?
Julia Oh bah non, quand même, euh... je le connais pas !
Licinia Ah mais moi non plus, tu me connais pas !
Verinus (À Julia.) Bah on se connaît quand même un petit peu, maintenant, biquette !
Julia Bah dis donc, on se connaît pas assez pour que tu m'appelles « biquette » !
Verinus (À Licinia.) OK... bon, c'est... c'est compliqué, là.
Licinia (Désignant son appartement.) Ouais et là, c'est pas compliqué, hein ? C'est tellement petit que j'ai même pas de table ! Tu me diras ça tombe bien, j'ai rien à bouffer, alors...
Verinus Ah bah voilà, tiens ! Tu me loges la copine et je te trouve un morceau d'agneau !
Licinia Un morceau comment ?
Verinus Un beau morceau.
Licinia Je veux que ça fasse aussi pour Manilius, s'il passe me voir...
Verinus Ah putain, un morceau pour deux ?
Licinia Ben non, un morceau pour trois, la copine elle va pas nous regarder bouffer...
Verinus (À Julia.) Ben voilà ! T'as gagné, toi... allez donne-moi ton sac, va ! (Prend le sac de Julia, et le lui rend immédiatement.) Non mais tiens prends-le, parce que j'ai déjà le citron. Allez !
Bureau de Sallustius, jour. Sallustius est assis à son bureau, Servius se tient à côté de lui. Devant eux est assis Arthur.
Servius Tu veux boire quelque chose ? Détends-toi.
Arthur Euh... ben comme vous voulez.
Servius C'est toi qui me dis.
Arthur Bah je sais pas, qu'est-ce qu'on peut demander ?
Servius Ce que tu veux.
Arthur Bah... du lait de chèvre, alors.
Servius (Fait signe à quelqu'un.)
Sallustius Bon ! Alors... comme ça, tu... tu es breton ?
Servius A priori hein, il est breton...
Sallustius Mmh.
Servius Il a aucun souvenir de la Bretagne.
Sallustius Mais s'il a aucun souvenir de la Bretagne, pourquoi tu me l'as amené, alors ?
Servius Ben... vous me demandez un Breton, je vous amène un Breton !
Sallustius (À Arthur.) L'épée des rois, ça... ça te dit quelque chose ?
Arthur L'épée des rois ?
Sallustius Mmh mmh.
Servius Une épée qui est coincée dans un rocher !
Arthur Euh... oui, c'est... ça doit être un genre de tradition, quand on est gamin, on doit... on doit tirer une épée d'un... d'un rocher.
Sallustius Ah ! Bon... bon. Mais tu l'as déjà vu... faire ?
Arthur Oui, enfin... je me souviens vaguement, hein... elle est plantée dans un rocher, on... on tire dessus, ça fait des flammes, et on...
(Quelqu'un tend à Arthur une coupe de lait de chèvre.)
Arthur (Saisit la coupe.) Y a du monde autour, enfin c'est... comme un genre de fête, quoi !
Servius Mais... quand on la retire... on devient pas roi ?
Arthur Roi ? Non non ! Non non, je vous dis, c'est une... c'est une tradition, quand on est gamin on... on tire sur une épée. Après je sais pas à quoi ça correspond, mais...
Sallustius Mais, euh... je comprends pas, euh... tous les gamins font ça ?
Arthur Ben oui, je l'ai fait, moi !
Sallustius Ah ! Mais les autres gamins, tu les as vu faire, aussi ?
Arthur Je sais plus... je sais plus, je... je me souviens qu'il a fallu me porter, parce qu'elle était trop haute...
Sallustius Mais comment ça ? Qui t'a porté ?
Arthur Un barbu.
Servius Encore ?
Arthur Non mais c'est le même !
Sallustius (À Servius.) C'est qui, ce barbu ?
Servius Ben justement, il sait plus.
Arthur Je sais plus.
Sallustius Tu sais plus ?
Arthur (Fait « non » de la tête.)
Servius Bon, Arturus, euh... tu vas retourner à la caserne, et si on a besoin de toi on viendra te chercher.
Arthur (Se lève, vide d'un trait sa coupe de lait de chèvre, la pose sur le bureau de Sallustius et part.)
Sallustius (Regarde Servius, pensif.)
Servius Quoi, il faut que j'aille chercher un autre Breton ?
Dortoir de la caserne, jour. Arthur est assis, pensif.
Falerius (Passe la tête de derrière un rideau.) Ah mais t'es là ? Alors, qu'est-ce qu'ils voulaient ?
Arthur J'en sais rien.
Falerius Qui c'est qu'ils cherchent ?
Arthur J'en sais rien, ils m'ont posé des tas de questions sur la Bretagne... qu'est-ce que tu veux que je leur raconte, moi ? Comment tu fais pour te souvenir du nom de ton bledbled (n.m.) Pays, ville ou village quelconque
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de naissance, toi ?
Falerius Je suis allé voir dans le registre, une fois.
Arthur Ah oui. Moi j'y suis même pas, dans le registre.
Bureau de Sallustius, jour. Sallustius et Servius sont allongés sur des divans et discutent.
Sallustius Bon bah... je crois qu'il va falloir aller en Bretagne, hein... on va pas y couper...
Servius En Bretagne ?
Sallustius Mmh mmh.
Servius Vous croyez qu'on a bien le temps de faire ça ?
Sallustius Ah, ça je sais pas si on a le temps, moi en tout cas c'est sûr que non, ça j'ai pas le temps, mais toi... ça me semble... ça me semble jouable !
Servius (Soupire.) C'est pas vrai !
Sallustius Oui bon bah je suis désolé, mais... il faut que je puisse avoir une idée précise de ce qui se passe sur place, Servius...
Servius Bah on n'a qu'à leur demander de nous envoyer un compte rendu, ça sera plus simple !
Sallustius Tu les lis jamais, les comptes rendus, Servius... tu les lis jamais. Bon, alors. Non, je veux que t'y ailles, pour... t'imprégner de...
Servius Que je m'imprègne de quoi ?
Sallustius Hé ben de l'ambiance, de... de...
Servius Mais je la connais, l'ambiance ! C'est un front ! Ils sont devant le mur d'Hadrien et ils poireautentpoireauter (v.) Attendre
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, l'ambiance elle est pourrie, c'est tout ! Pas besoin de ça pour m'imprégner...
(Quelqu'un tend une tablette à Servius.)
Servius (Lit la tablette.) Tiens... Flaccus et Pisentius nous ont laissé un message.
Sallustius Où ça ?
Servius Bah, euh... ici... ils nous ont laissé un message.
Sallustius Mais pourquoi ils sont pas rentrés ?
Servius Ben je sais pas moi, ils ont préféré laisser un message !
Sallustius Mais qu'est-ce qu'ils veulent ?
Servius Ils veulent savoir où on en est avec la Bretagne !
Sallustius Oh là là là là... (Soupire.)
Quartiers pauvres, soir. Manilius marche dans la rue, jusqu'à la maison de Licinia.
Manilius Licinia ! Licinia !
Licinia (Paraît à sa fenêtre.) Mais c'est toi ? Mais je croyais que t'avais plus de permissions...
Manilius Je me suis démerdé !
Licinia Tu t'es démerdé ? T'as fait le mur, ouais...
Manilius Hé, faudrait savoir, t'es pas contente quand je suis pas là, t'es pas contente quand je suis là...
Licinia Je suis pas forcement contente à l'idée que tu te prennes des coups de fouet, figure-toi !
Manilius Je suis venu te chercher. Ce soir, ma belle, on s'en met jusque-là.
Licinia Où ça ?
Manilius Dans une villa de gros bourgesbourge (n.) Personne qui expose son aisance matérielle et financière au travers de signes extérieurs de richesse
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, où y a une fiesta à tout péter. On va s'en mettre plein le bide.
Licinia T'es invité dans les fêtes de bourgesbourge (n.) Personne qui expose son aisance matérielle et financière au travers de signes extérieurs de richesse
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, toi maintenant ?
Manilius T'inquiète, j'ai tout prévu !
Licinia Ouais mais le truc c'est que je peux pas, là je suis pas toute seule.
Manilius Comment ça t'es pas toute seule, tu te fous de moi ?
Licinia Non mais ça va, c'est une fille... (À Julia.) Tiens, viens à la fenêtre, parce qu'il va me faire une attaque...
Julia (Paraît à la fenêtre.)
Manilius Qui c'est, celle-là ?
Licinia Un cadeau de Verinus.
Manilius Hé ben on l'embarque, elle aime pas bouffer ta copine ?
Julia Moi je vais pas aller à une fête comme ça, j'ai même pas de mec !
Manilius Merde, c'est pas vrai, on va pas louper une occasion pareille... je vais lui en trouver un, de mec, moi !
Licinia Ben qui ?
Julia Un mec un peu bien hein, quand même...
Licinia Tu vas demander à qui ? Arturus ?
Manilius Ouais ! Je suis pas sûr qu'il vienne... mais bon, je vais le chercher, je reviens ! (Part.)
Licinia Non mais... et le couvre-feu ?
Julia (À Licinia.) Il est comment ?
Licinia Arturus ? Bah... pour une fête, ça va !
Dortoir de la caserne, nuit. Les soldats se reposent.
Papinius (Entre.) Arturus ! Y a Mani au parloir...
Arthur Au parloir ? Qu'est-ce qu'il fout au parloir ?
Papinius J'en sais rien, mais faut que t'y ailles, sinon ça va être de ma faute et je vais me faire engueuler...
Arthur (Se lève.) Dis donc... quand est-ce que tu vas comprendre que t'as pas à te faire engueuler par Manilius, toi ?
Papinius Non, moi ça me fait rien...
Arthur Ça te fait rien ?
Papinius Non, Mani il décide des trucs... alors des fois, ça l'énerve quand ça va pas assez vite ! Moi je décide rien... alors, euh... c'est normal que de temps en temps je me fasse engueuler... non ?
Arthur Non quoi ?
Papinius Ben toi, tu préfères décider des trucs, ou euh... te faire engueuler ?
Arthur (Sort.)
Parloir de la caserne, nuit. Arthur court discrètement à travers les écuries, jusqu'au parloir.
Arthur Oh ! (Siffle.)
Manilius (Se montre au parloir.)
Arthur Quoi ?
Manilius Allez viens, sors... je t'emmène à une fête.
Arthur À une fête, où ça ?
Manilius Dans une putain de villa de bourgesbourge (n.) Personne qui expose son aisance matérielle et financière au travers de signes extérieurs de richesse
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Arthur T'es invité aux fêtes dans les villas de bourgesbourge (n.) Personne qui expose son aisance matérielle et financière au travers de signes extérieurs de richesse
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, toi ?
Manilius Non... non mais attends, attends, attends... c'est Caius qui tient l'entrée, qu'est-ce qu'on risque ?
Arthur On risque de se faire gauler en traversant la ville sous le couvre-feu, déjà.
Manilius C'est bon, c'est pas la première fois qu'on le fait... allez, merde... on va bouffer, on va baiser, c'est quand même pas tous les jours !
Arthur J'ai déjà bouffé.
Manilius T'as bouffé de la merde.
Arthur Ouais, mais j'ai déjà bouffé.
Manilius Ouais mais on va baiser, aussi ! T'as déjà baisé, peut-être ? Allez viens, c'est quand même pas tous les jours !
Arthur Mais... sans déconner, tu peux pas baiser et bouffer sans moi ?
Manilius Non ! Parce que je veux emmener Licinia, et euh... si tu viens pas, l'autre conne là elle vient pas, et Licinia non plus.
Arthur Quelle autre conne ?
Manilius Une conne... mais, euh... une fois arrivé là-bas, si t'as pas envie avec elle, tu vas avec une autre ! Elle veut pas arriver toute seule, c'est tout.
Arthur (Détourne la tête, agacé.)
Manilius Arturus...
Arthur Mmh...
Manilius S'il te plaît...
Arthur Oh... (Soupire.)
Quartiers pauvres, nuit. Manilius lance des cailloux contre le volet de Licinia. Arthur fait le guet au coin de la rue.
Manilius (À voix basse.) Licinia ! Licinia ! Licinia !
Arthur Oh ! Tu vas te grouiller, dis ?
Manilius Ça répond pas, je vais pas gueuler !
Arthur Mais monte les chercher !
Manilius C'est fermé !
Licinia (Ouvre son volet.) Ah mais c'est toi !
Manilius Merde, ça fait une heure que j'appelle...
Licinia Oui ben, je descends... et Arturus, il est pas venu ?
Manilius Il fait le pet...
Licinia Ah...
Arthur Il fait le pet, ouais... vous avez intérêt de vous grouiller, parce qu'Arturus dans deux minutes il est parti !
Manilius (Lance un caillou sur Arthur.) Ta gueule ! (Entre dans la maison de Licinia.)
Arthur Oh ! Mais où tu vas ? (Se rapproche de la maison de Licinia.)
Escaliers de Licinia, nuit. Manilius retrouve Licinia et Julia dans l'escalier de la maison.
Licinia (Donne une tenue sombre à Manilius.) Ça va ?
Manilius (Enfile la tenue.) Ouais, ça c'est bon ! (Désignant la tenue de Julia.) Ça, euh... ouais... ça va, ça va.
Julia T'es sûr qu'il est là, ton copain ?
Manilius Mais oui, allez ! (Apercevant le voile de Julia.) C'est quoi, ça ?
Julia Bah c'est pour mettre dans les cheveux !
Manilius Non mais c'est blanc...
Julia C'est quoi ?
Manilius Blanc, on peut pas éviter ?
Licinia Non mais c'est bon, elle le gardera planqué jusqu'à ce qu'on arrive...
Julia Moi j'ai les jetons de me balader pendant le couvre-feu, hein...
Manilius Attends, Arturus et moi on connaît presque tous les chemins de patrouille, on risque rien !
Julia Pourquoi on doit se cacher sous un truc noir, alors ?
Manilius C'est au cas où, allez, c'est parti !
(Julia et Licinia se dissimulent sous des capuches, tous sortent.)
Quartiers pauvres, nuit. Manilius, Julia et Licinia retrouvent Arthur devant la maison de cette dernière.
Arthur Non mais qu'est-ce que vous glandiez ? J'ai failli me tirer !
Manilius Bon, voilà, donc c'est... Arturus, et...
Julia Julia.
Manilius Julia.
Julia (Regardant Arthur.) Ah ben ça va !
Arthur Qu'est-ce qui va ?
Julia Bah il est pas trop dégueu, hein... je croyais que j'allais tomber sur un truc, moi...
Arthur Quel truc ?
Manilius Mais j'ai rien dit, moi !
Licinia Non non, c'est moi qui ai dit...
Arthur Qu'est-ce que t'as dit ?
Licinia Bah j'ai dit que ça allait...
Julia Ouais bah quand tu l'as dit, ça faisait plus, euh...
Arthur Plus quoi ?
Licinia Ça faisait plus rien, j'ai dit que ça allait, c'est tout.
Manilius (À Julia.) Bon, mais du coup, ça te va ou ça te va pas ?
Julia Si si, carrément, ça me va !
Arthur (Vexé.) Ouais... t'es sûre, hein ? Parce que sinon tu me dis... (Aperçoit une patrouille.) Merde merde merde !
(Tous les quatre se dissimulent dans le renfoncement d'un mur, la patrouille passe sans les voir.)
Arthur Parce que moi en attendant, personne me demande si ça va !
Manilius Allez, vous vous engueulerez en chemin !
(Tous partent discrètement en direction de la villa.)
Quartiers riches, nuit. Une patrouille parcourt la galerie extérieure d'une maison, sans voir Arthur, Manilius, Licinia et Julia, dissimulés derrière des piliers.
Manilius On passe derrière les colonnes ?
Arthur Pour quoi foutre ?
Manilius Tu préfères devant les colonnes ?
Arthur Je préfère ni devant ni derrière, faut passer par là-bas !
Manilius Ça nous rallonge, par là-bas, c'est par là qu'on va nous !
Licinia Oh non mais vous engueulez pas !
Julia Vous faites trop de bruit !
Arthur N'empêche qu'on a plus de chance de tomber sur la patrouille vers les colonnes que par là-bas !
Manilius Et c'est pour ça que je veux passer par derrière !
Arthur Mais pourquoi tu me demandes, alors ?
Manilius Hé ben je te demande pas ! Allez on y va.
(Manilius et Licinia partent, bientôt suivis par Julia et enfin Arthur, qui grimace, agacé.)
Quartiers riches, nuit. Arthur, Manilius, Licinia et Julia passent de rue en rue en rasant les murs.
Manilius (À Arthur.) La prochaine, elle arrive par où ?
Arthur J'en sais rien !
Manilius T'en sais rien ?
Arthur Non, j'en sais rien, c'est pas moi qui organise les rondes !
Julia Quoi, vous savez pas d'où arrive la prochaine patrouille ?
Licinia Non mais c'est pas vrai !
Arthur Déjà, elle est par où ta villa ?
Manilius Elle est pas loin...
Arthur Je te demande pas si elle est loin, je te demande par où on va ?
Manilius On coupe.
Arthur On coupe, on coupe quoi ?
Manilius Foutez-moi la paix et suivez ! (Part.)
Julia On traverse comme ça, en plein milieu ?
Arthur Ben de toute façon oui, on va pas se séparer !
Licinia Et la patrouille ?
(Entendant la patrouille arriver, Arthur et Julia se cachent derrière un pilier et Licinia prend la fuite. La patrouille passe. Arthur et Julia sortent de leur cachette et reprennent leur route en courant.)
Devant la villa Aconia, nuit. La fête bat son plein dans la villa bien gardée. La musique se répand dans la rue.
(Arthur, Manilius, Licinia et Julia s'approchent discrètement et s'assoient au pied d'un mur, invisibles des gardes.)
Manilius Bon, ça doit être celle-là.
Arthur Comment ça, « ça doit » ?
Julia Ben y a de la musique...
Manilius Non mais à priori, c'est celle-là.
Arthur Comment ça, « à priori » ?
Manilius À moins que y ait une autre fête dans une autre villa, ça doit être celle-là. Le seul truc, c'est qu'il faudrait qu'on soit sûrs que c'est Caius à l'entrée.
Arthur Attends attends attends, c'est maintenant que tu te demandes si c'est Caius à l'entrée ?
Manilius Non mais c'est lui... seulement imagine que y ait une relève, on tombe sur un qu'on connaît pas, boum il appelle la garde on est cuits.
Licinia Bon bah alors qu'est-ce qu'on fait ?
Manilius Il faudrait que quelqu'un passe la tête discrètement pour vérifier que c'est Caius.
Arthur Parce que tu t'imagines que ça pourrait être quelqu'un d'autre que toi ?
Devant la villa Aconia, nuit. Caius monte la garde devant la villa.
Manilius (Passe la tête au coin d'un mur, voit Caius, puis se retire.) C'est bon, c'est lui.
Caius Y a quelqu'un ?
Manilius (Sort du couvert du mur, suivi d'Arthur, Licinia et Julia.) Coucou !
Caius Non, c'est pas vrai... mais je croyais que t'avais changé d'avis !
Manilius Moi ? Non sûrement pas...
Caius Hé oh, mais vous venez à combien, là ?
Arthur Mais qu'est-ce que ça peut te foutre ?
Manilius C'est toi qui paies les repas ?
Caius Non mais faire rentrer une ou deux personnes, euh... c'est quand même un peu plus discret que d'en faire rentrer quatre !
Licinia Bah à cette heure-ci dans les fêtes, ça fait longtemps qu'ils sont beurrés !
Manilius Mais bien sûr, on pourrait rentrer à trente, il nous verraient même pas !
Caius Ouais ben en tout cas, vous faites pas les cons hein, commencez pas à gueuler ou à piquer des trucs, parce que moi je suis responsable !
Arthur (Peu convaincu.) Ouf... « responsable »...
Manilius Attends, t'es responsable des entrées, quoi... et puis, euh... si y a un problème... c'est bien qu'on soit là, tu nous appelles !
Caius Ouais... bah pour ça faudra vraiment que y ait une sacrée tuile, parce que si y a un truc que j'ai plus envie de voir, c'est vos tronches !
(Arthur, Manilius, Licinia et Julia entrent dans la villa.)
Villa Aconia, nuit. De nombreux convives sont vautrés autour de l'atrium. L'alcool et la nourriture coulent à flots.
Manilius C'est encore mieux que ce que je croyais... on va commencer par bouffer comme des malades, on va picoler, et après on prendra le temps de vérifier qu'on s'entend toujours aussi bien !
Licinia Fais quand même gaffe à ton ventre... il a pas l'habitude !
Manilius Il va s'y faire ! (Se mêle à la foule.)
Licinia (Suit Manilius.)
Julia (Donne son voile à Arthur pour qu'il l'en coiffe.) T'as plutôt faim, ou t'as plutôt envie de baiser ?
Arthur Euh ben là j'ai plutôt faim.
Julia Et quand t'auras plus faim, tu comptes taper dans les filles qui sont là, ou...
Arthur Ben je sais pas. Et toi, dans le tas de gros porcs, y en a un qui te tente ou pas ?
Julia Euh... honnêtement, si on pouvait s'arranger tous les deux...
Arthur Bon ben allons bouffer, déjà.
(Arthur et Julia se mêlent à la foule et mangent.)
Tente de Macrinus, nuit. Macrinus est à son bureau, Cordius entre.
Cordius Ça y est ! Il a reçu les lingots...
Macrinus (Plein d'espoir.) Et ?
Cordius Hé bien il prend la nuit pour réfléchir, et si demain à l'aube les lingots sont pas revenus, c'est qu'il accepte le traité de paix.
Macrinus Et si les lingots reviennent... c'est qu'on se prend une attaque dans l'après-midi.
Cordius Bah ouais, ouais ouais... ouais, ça fait quand même un beau paquet de pognon, hein... pourquoi voulez-vous qu'il refuse ?
Macrinus Parce qu'il nous aime pas !
Cordius Non... non, mais il aime vraiment le pognon...
Macrinus Faudrait aussi qu'il baisse son froc« baisser son froc » (loc.) Se soumettre, capituler
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devant les autres...
Cordius Ouais, moi... moi ce qui m'inquiète le plus, c'est cette histoire de serment, là... vous croyez qu'un type comme ça peut tenir parole ?
Macrinus Faut être drôlement futé pour rompre un serment, Cordius...
Cordius Mmh.
Macrinus Lui il est con comme ses pieds.
Cordius Ouais.
Macrinus Si il promet, il tiendra parole !
Cordius Mmh. Euh, vous voulez goûter le...
Macrinus Non ! Non non.
Cordius (Sort.)
Villa Aconia, nuit. Julia est allongée sur Arthur, qui mange goulûment.
Julia Ça fait combien de beignets que tu manges ?
Arthur Je sais pas, trente...
Julia T'as vomi ?L'idée selon laquelle les Romains vomissaient pour manger davantage est un mythe.
Arthur Non, pas encore !
Julia Toi aussi t'es militaire ?
Arthur Ouais.
Julia Dans la légion ?
Arthur Non. Dans la milice urbaine.
Julia Et ça te plaît ?
Arthur Bof.
Julia C'est quoi qui te plaît ?
Arthur Je sais pas... plutôt la stratégie. Les mouvements de cohortes, les machines de guerre...
Julia Dans ta caserne, ils t'apprennent ça ?
Arthur Un peu, ouais... et puis je lis les récits des généraux.
Julia Tu sais lire ?
Arthur Un peu...
Julia Tu viens d'où ?
Arthur De l'île de Bretagne.
Julia (Embrasse sensuellement Arthur.) Ça te dit de faire une pause avec la bouffe ?
Arthur (Après réflexion.) Allez, ouais !
(Arthur et Julia se lèvent.)
Tente de Macrinus, nuit. Macrinus écrit ses mémoires. La scène est entrecoupée d'images des événements ayant eu lieu au sein de la villa Aconia.
Macrinus (Pour lui-même, pensant et écrivant.) Une nuit... une nuit à attendre... une longue nuit avant de savoir si le souverain ennemi...
(Arthur et Julia s'accouplent.)
Macrinus ...acceptera un traité de paix si fragile...
Caius (Avertit Arthur de la présence de Glaucia dans la villa.)
Macrinus ...si friable, qu'on aurait même de la peine à le prendre au sérieux.
Manilius (Court aider Licinia.)
Macrinus Des solutions précaires, du rafistolage...
Procyon (Maintient Manilius au sol, la tête sous son pied.)
Macrinus ...voilà tout ce que j'ai su inventer.
Glaucia (Tient Licinia par la gorge, agenouillée.)
Macrinus La Bretagne résistait quand je suis arrivé...
Arthur (S'approche de l'atrium.)
Macrinus ...elle résistera encore quand je partirai. Je ne saurais dire pourquoi...
Arthur (Observe l'agitation qui règne dans l'atrium.)
Macrinus ...je conserve encore, rescapée de mon découragement, une curiosité.
(Glaucia et Procyon tiennent toujours Licinia et Manilius en respect.)
Macrinus Existe-t-il quelqu'un parmi nous déjà, ou encore à naître...
Arthur (Saisit le voile sur la tête de Julia.)
Macrinus ...qui se destine à restaurer l'ordre sur l'île de Bretagne ? Et s'il existe...
Arthur (Observe le voile de Julia, pensif.)
Macrinus ...que peut-il bien posséder que je ne possède moi-même ?
Arthur (Ayant dissimulé son visage à l'aide du voile de Julia, s'approche de Procyon, se remémorant les enseignements de Iuventius au sujet du coup à la trachée.)
Macrinus D'où vient-il ? Est-il romain ?
Arthur (Frappe Procyon à la trachée et lui dérobe sa spatha.)
Macrinus Quelle arme tient-il à sa ceinture ?
Arthur (Donne un coup à Procyon avec le manche de sa spatha.)
Macrinus Celui qui vaincra, là où j'ai échoué...Le fait qu'Aconia apparaisse à l'image immédiatement après cette réflexion n'est sans doute pas innocent, et pourrait faire référence au fait que Macrinus n'a pas seulement échoué d'un point de vue militaire, mais aussi d'un point de vue sentimental.
Aconia (Observe la scène, figée.)
Macrinus ...je voudrais voir son visage, une fois.
Arthur (Se tient au milieu des convives, toujours dissimulé sous le voile de Julia.)
Macrinus Car je lui conserve encore, rescapée de mon découragement, ma curiosité.
Tente de Goustan, matin. Goustan est assis, des lingots d'or posés devant lui. Léodagan se tient debout et l'observe.
Goustan (Furieux et vexé.) Ah non... je suis... humilié. Moi qui croyais que le Romain respectait ses ennemis. Hé ben non. Voilà encore une belle désillusion. S'ils croient que c'est avec une mentalité pareille... qu'ils vont fédérer le pays... on leur rend leur fric, on remonte sur les chevaux, et on leur met sur la gueule ! D'un autre côté... restituer une pareille quantité de blé... ça frise le mauvais goût ! Désolé... mais ça ne se fait pas ! Ne serait-ce que par respect... pour les plus nécessiteux. (Place sa main sur les lingots en souriant, puis la retire.) Bon, allons. Après... y a le serment ! Si je garde le blé... j'attaque pas ! Hé ben voilà. Je garde le blé, j'attaque pas. Un serment, c'est sacré. Oui mais... ce qui m'ennuie... c'est que c'est pile le jour que j'avais choisi... pour vous passer le pouvoir. (Ricane.) C'est quelque chose, les dates, hein ? Je garde le blé, j'attaque pas, je suis sous serment ! Mais vous... maintenant que vous êtes roi de Carmélide... si... s'il vous prend l'envie d'aller leur dérouiller le cul... je ne vois vraiment pas comment je pourrais vous en empêcher ! (Plante son épée dans la table et ricane.)
Léodagan (Sort.)
Camp de Léodagan, matin. Léodagan sort de la tente de son père.
Léodagan Hé les gars ! Vous savez ce qu'on bouffe, ce soir ? Du Romain !
(Les hommes de Léodagan acclament.)
(Noir.)
(Les hommes de Léodagan poussent des cris bestiaux.)
(Stab final.)
(Fermeture.)