| Forêt, jour. Arthur, Perceval, Yvain et Gauvain sont dans la forêt. |
(Le mugissement se fait entendre à nouveau.) |
| Perceval |
On dirait qu'il se rapproche... |
| (Le mugissement retentit une fois encore.) |
| Perceval |
...ou alors, il s'éloigne. |
| Arthur |
(À Perceval.) Ah, heureusement que vous êtes là hein ! |
| Perceval |
C'est difficile de jauger, on l'entend mais on le voit jamais ! |
| Gauvain |
Tout ceci ne me dit rien qui vaille... |
| Yvain |
Ouais, c'est comme si on était menacés par une menace aveugle. Non... non c'est comme si nous, on était aveugles et qu'on soit menacés... ah oui non... |
| Arthur |
(À Yvain et Gauvain.) Bon allez, retournez-y, vous. |
| Gauvain |
Encore nous ? |
| Arthur |
Oui, pourquoi ? Vous êtes fatigués ? |
| Gauvain |
Du tout, mon oncle ! (Théâtral.) Nous nous montrerons dignes de cette quête ! |
| Arthur |
Voilà. (À Perceval.) De toute façon, vous vouliez pas y aller, vous ? |
| Perceval |
Comment ça ? |
| Arthur |
Vous-même, vous teniez pas absolument à y aller ? |
| Perceval |
Ben... c'est pas que j'y tiens pas, mais... |
| Arthur |
Vous voulez y aller ? |
| Perceval |
Ah non. |
| Arthur |
Bon, voilà. (À Yvain et Gauvain.) Bah allez-y, vous. |
| Forêt, jour. Arthur et Perceval sont en forêt. |
| Arthur |
(Criant, à Yvain et Gauvain.) Bon alors ? Vous le voyez ou pas ? |
| Gauvain |
(De loin.) Non, mon oncle ! |
| Yvain |
(De loin.) Rien du tout ! |
| Perceval |
(Criant, à Yvain et Gauvain.) Et est-ce que vous l'entendez ? |
| Arthur |
(À Perceval.) Bah évidemment qu'ils l'entendent ! On l'entend, nous ! |
| Gauvain |
On l'entend comme vous ! |
| Arthur |
Voilà. |
| Yvain |
De manière égale, j'ai envie de dire ! |
| Perceval |
(À Arthur.) Ah, ça, c'est intéressant ! |
| Arthur |
De quoi ? |
| Perceval |
S'ils entendent le dragon exactement au même volume que nous, ça veut dire qu'on est équidistants. |
| Arthur |
(Regarde Perceval, étonné.) Équidistants ? |
| Perceval |
Quoi ? Ça veut pas dire ça ? |
| Arthur |
Euh... là, en l'occurrence, ça peut... non mais ça m'étonne de vous voir utiliser ce mot-là ! |
| Perceval |
Ben si, si c'est le même volume sonore, on est équidistants. |
| Arthur |
Par rapport à qui ? |
| Perceval |
À eux ! |
| Arthur |
À eux et qui ? Ça suffit pas. Le dragon ? |
| Perceval |
Ah bah après j'en sais rien moi. S'ils sont équidistants en même temps que nous, on peut repérer le dragon par rapport à une certaine distance ! Si le dragon s'éloigne, on sera équidistants mais ça sera vachement moins précis, et pas réciproque. |
| Arthur |
Ouais d'accord, en fait vous savez pas du tout ce que ça veut dire. |
| Perceval |
(À Yvain et Gauvain.) Est-ce que vous entendez le dragon exactement au même volume que nous ? |
| Arthur |
Mais qu'est-ce que ça veut dire, ça ? |
| Gauvain |
Exactement au même volume ? |
| Arthur |
(À Yvain et Gauvain.) Non non non non non non, c'est bon, c'est bon, allez vous occupez pas, continuez à chercher ! |
| Perceval |
Décrivez-nous précisément la nature du terrain ! |
| Arthur |
(À Perceval) Mais arrêtez ! On n'en a rien à foutre ! |
| Perceval |
(À Arthur.) Mais qu'est-ce que je leur dis, alors ? |
| Arthur |
Vous arrêtez de leur demander des trucs à la con ! Vous la fermez ! |
| Gauvain |
On arpente un sol argileux... de type humide... |
| Yvain |
Végétation assez dense, grande concentration de conifères... |
| Forêt, jour. Arthur et Perceval sont en forêt. |
| Perceval |
Si on pouvait s'arranger pour faire croire au dragon qu'on est partis, lui, il se dirait : « Tac, je peux revenir ! » Hop, nous on s'est cachés dans un fossé qu'on a creusé... |
| Gauvain |
Mon oncle ! Mon oncle ! Le dragon ! |
| Yvain |
Il est juste au-dessus de nous ! |
| Gauvain |
Vite ! |
| Yvain |
Vite ! |
| Arthur |
(Criant, à Yvain et Gauvain.) Mais « vite », quoi « vite » ? |
| Yvain |
Ben, qu'est-ce qu'on fait ? |
| Arthur |
Comment « qu'est-ce qu'on fait » ? Mais tirez-lui dessus ! |
| Gauvain |
Mon oncle, je crains que nous ayons omis de nous munir de nos arbalètes ! |
| Arthur |
Quoi ? Oh putain... |
| Perceval |
Il faut attendre qu'il atterrisse et attaquer direct à l'épée. |
| Arthur |
Mais faites quelque chose ! Vous avez pas une lance ? Une fronde ? |
| Yvain |
À la limite, on pourrait essayer de lui lancer une grosse pierre ! |
| (Un mugissement retentit.) |
| Gauvain |
À l'aide ! À l'aide ! |
| Yvain |
Au secours ! |
| Arthur |
Hé ben, mais revenez ! |
| Perceval |
Qu'est-ce qui se passe ? |
| Arthur |
Revenez, dépêchez-vous bon Dieu ! |
| (Yvain et Gauvain arrivent, couverts d'excréments.) |
| Yvain |
Il nous a chié dessus. |
| (Fermeture.) |
| Forêt, jour. Perceval, Yvain et Gauvain sont en forêt, les deux derniers sont couverts d'excréments. |
| Perceval |
Non mais faut pas vous faire de souci. Ça peut arriver à tout le monde. |
| Gauvain |
Je crains d'avoir profondément déçu mon oncle. |
| Yvain |
Pour une fois qu'on part en mission... |
| Perceval |
C'est rien... et puis croyez moi, il vaut mieux que ça vienne d'un dragon, plutôt que d'un type qui a pas fait gaffe que vous étiez en train de pêcher en bas du pont juste à ce moment-là ! |
| Gauvain |
(Après un instant.) Quoi ? |
| (Noir.) |
| Perceval |
Oui enfin... je me comprends. |
| (Stab final.) |