Les Exploités II

Livre IV – épisode 15

Couloir du château, nuit. Perceval et Karadoc se tiennent devant la porte d'Arthur.
Karadoc (Frappe à la porte.) Sire !
Perceval Ouvrez, on en a gros !
Karadoc On sait très bien que vous êtes là alors ouvrez !
Perceval On en a gros !
Arthur (Ouvre sa porte.) C'est marrant, parce que... ça fait quatre ou cinq jours d'affilée que je peux pas faire une nuit complète parce que je suis réveillé par des cons.
Perceval Qu'est-ce que vous voulez dire, Sire ?
Arthur Ouais ouais, chaque nuit y a un truc. Hier c'était mon beau-père qui avait des insomnies, avant-hier c'était je sais plus qui qui est venu me trouver pour me dire je sais plus quoi, et ça fait cinq jours. Cinq jours que ça dure. Le défilé des glandusglandu (n.m.) Individu niais et stupide
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. C'est marrant, hein ?
Karadoc Mais vous allez nous écouter ou pas ?
Perceval Parce qu'attention, on en a gros !
Arthur Vous écouter ? (Feignant de comprendre soudain.) Ah non, non mais non, pas du tout ! (Referme sa porte.)
(Ouverture.)
Couloir du château, nuit. Perceval et Karadoc se tiennent devant la porte d'Arthur.
Karadoc (Frappe à la porte.) Sire, ouvrez c'est important !
Perceval Parce qu'on en a gros !
Karadoc On a besoin de vous parler pour vous « exposer » un truc.
Perceval Ouais, ouvrez !
Arthur (Hors-champ, depuis sa chambre.) Vous voulez pas me l'« exposer » demain ?
Karadoc Non mais là c'est urgent, si on vient vous réveiller en pleine nuit, vous imaginez bien que c'est pas pour rien !
Perceval C'est parce qu'on en a gros !
Arthur Ouais, seulement là moi je dors, alors tirez-vous !
Karadoc Sire, y a pas de hasard. Si vous voulez pas nous parler, c'est parce que vous avez euh... (Peine à trouver ses mots.) C'est, vous voulez pas admettre que... non. Vous refusez de comprendre... (à Perceval) non mais j'arrive pas à expliquer.
Perceval Non mais cherchez pas des phrases pourries... « on en a gros ».
Karadoc On en a gros !
Perceval Voilà !
Arthur (Ouvre sa porte.) Magnez-vousse magner (v.) Se dépêcher
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.
Karadoc L'autre jour à la fête.
Arthur Quelle fête ? Ah oui la fête oui. Bon hé ben.
Karadoc À un moment on a pris la parole.
Perceval Faites pas celui qui se souvient plus.
Karadoc On a fait un petit discours sur la chevalerie.
Perceval Un truc bien ficelé... seulement vous pouvez pas savoir, puisque quand c'est nous... vous écoutez jamais.
Karadoc Pendant qu'on parle, vous parlez avec d'autres, vous croyez que c'est gentil ?
Perceval On en a gros.
Karadoc Pour boucler le tout, on annonce qu'on va chanter en canon et qu'on voudrait bien que le roi Arthur se joigne à nous.
Perceval Et vous, vous savez ce que vous avez répondu ?
Arthur Non.
Karadoc Vous savez pas ?
Arthur Si, j'ai répondu « non ».
Karadoc Exactement !
Perceval Et là sans déconner, euh...
Arthur Oui oui « on en a gros ». Écoutez euh... je vous fais mes excuses. Voilà. Bonne nuit. (Commence à fermer sa porte.)
Karadoc Ah non non non non non non non... ça serait trop facile.
Perceval Un peu fort mon bon Seigneur ! (Regarde Karadoc, pas certain de sa phrase.)
Karadoc (Adresse un pouce levé discret à Perceval.)
Arthur De toute façon, comment est-ce que vous voulez que je chante le canon avec vous, je le connais même pas ce canon.
Karadoc Non mais vous vous foutez pas de nous ? Ça fait cent cinquante fois que vous nous entendez le chanter ! Vous nous prenez vraiment pour des cons !
Perceval On en a gros...
Arthur Bon bah je vous fais mes excuses, et la prochaine fois je chanterai avec vous, ça vous va ?
Karadoc Ouais ouais ouais ouais... « la prochaine fois », vous êtes sûr ?
Perceval Moi je crois plutôt que la prochaine fois, vous nous enverrez chier tout pareil, c'est pas vrai ?
Arthur Si.
Perceval Ah. On en a gros.
(Fermeture.)
Couloir du château, nuit. Perceval, Karadoc et Arthur chantent en canon.
Karadoc (Chantant.) L'amour étant enfant de raison, et la fleur fille du poète, il alla, bergers bergers, au pré sont allés, et... (Inintelligible.) Digue don don, digue don di-don don daine !
Perceval (Chantant en un canon discordant.) L'amour étant enfant de raison, et la fleur fille du poète, le berger étant enfant, et la bergère prend ses moutons, digue don don, digue don don, digue don don, don, don, don daine !
Arthur (Rejoignant le canon seulement sur la dernière note.) Daine !
(Les trois éclatent de rire, Arthur feignant l'enthousiasme.)
Perceval Bravo Sire, c'était hyper classe !
Arthur (Tape dans la main de Perceval puis dans celle de Karadoc, puis claque sa porte, perdant son sourire forcé.)
Karadoc Hé, c'était classe ou pas ?
Perceval Carrément... on en a gros !
(Noir.)
Karadoc Ah ben non.
Perceval Ah non, pardon.
(Stab final.)