Le Garde Du Corps

Livre I – épisode 6

Salle de la Table ronde, jour. Arthur, Bohort et Lancelot sont assis à la Table ronde.
Arthur Donc c'est sûr, ils acceptent ?
Lancelot Le messager est formel. Ils arrivent à Kaamelott pour signer le traité de paix.
Bohort C'est magnifique, Sire. La signature d'un traité de paix ! C'est la plus belle chose qui soit ! (Il embrasse Arthur sur la joue.)
Arthur (Se fige, choqué.)
Bohort Excusez-moi, c'est la joie...
Arthur (Agacé.) Allez-y mollomollo (adv.) Doucement, sans précipitation, sans brusquerie
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avec la joie.
(Ouverture.)
Salle de la Table ronde, jour. Arthur, Bohort et Lancelot sont assis à la Table ronde. Grüdü, un garde du corps, se tient derrière Lancelot.
Arthur Vous êtes sûr que c'est obligé, le coup du garde du corps ? Parce que franchement, je suis assez grand pour me protéger tout seul.
Lancelot Je suis désolé mais ça fait partie des conditions.
Bohort C'est normal... imaginez qu'il vous arrive quelque chose avant la signature du traité.
Lancelot Non et puis deux jours c'est pas tellement long... non en plus, pour votre protection, je vous ai désigné un gars formidable !
Arthur Non mais j'en doute pas, (s'adressant à Grüdü) c'est pas contre vous, hein, c'est simplement le principe d'être collécoller (v.) Suivre de près
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par quelqu'un non-stop pendant deux jours...
Bohort Hé oui, jour et nuit...
Arthur (Surpris.) Jour et nuit ?
Bohort Ça fait partie des conditions...
Lancelot Non non, vous inquiétez pas, Grüdü est un garçon très discret !
Grüdü Au bout d'un moment, vous saurez même pas que je suis là.
Lancelot Et puis avec lui je suis tranquille. C'est une force de la nature. Entraîné à tuer, il a grandi sur la banquise viking, il a été élevé par les ours polaires, ah bon alors par contre, euh... si vous sentez qu'il s'énerve un peu, hein (sort un morceau de viande) vous lui sortez un morceau de viande crue et...
Grüdü (Saisit le poignet de Lancelot et mord le morceau de viande.)
Lancelot Argh ! (Sort un martinet et fouette Grüdü avec.) Tu... tu lâches ! Tu... !
Grüdü (Lâche le morceau de viande.)
Chambre de Demetra, nuit. Arthur et Demetra sont couchés dans le lit de cette dernière. Grüdü est assis à côté et monte la garde, impassible.
Arthur (Énervé.) Non mais c'est débile, cette histoire !
Grüdü J'ai pas le droit de vous laisser.
Demetra Mais quand même ! Avec ses maîtresses, il a bien droit à un peu d'intimité !
Grüdü Ni avec ses maîtresses ni avec sa femme. J'ai pas le droit de le laisser.
Demetra Bah au moins, allez vous mettre dans le coin de la pièce.
Grüdü J'ai pas le droit de m'éloigner !
Demetra Mais regardez ailleurs alors ! Parce que là ça va pas être facile.
Grüdü J'ai pas le droit de le quitter des yeux.
Demetra (À Arthur.) Bon qu'est-ce qu'on fait alors, on le fait quand même ?
Arthur (Surpris.) Non mais sûrement pas ! Non mais ça va bien oui ? (Pointe en direction de Grüdü.)
Demetra Écoutez, ça fait deux semaines qu'on s'est pas vus... (Se rapproche d'Arthur.)
Grüdü (Fond sur elle et la menace de sa dague.) Recule ! Recule ou je te sors les boyaux !
Demetra (Choquée.) Mais qu'est-ce qui vous prend ?
Grüdü Personne n'a le droit de le toucher.
Arthur Non mais ne soyez pas con, vous croyez peut-être qu'elle veut m'assassiner ? (Indique Demetra d'un geste.)
Demetra (Toujours bouleversée.) La vache, la trouilletrouille (n.f.) Peur
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 !
Grüdü Personne n'a le droit de vous toucher.
Arthur Et si quelqu'un me serre la main ? Ou me passe un morceau de pain à table ?
Grüdü Je lui démontedémonter (v.) Démolir, détruire
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sa face.
Arthur Ah non mais vous êtes pas bien hein. Alors si je comprends bien, va falloir que je fasse attention pendant deux jours à ce que personne me frôle dans les couloirs !
Grüdü Non mais personne vous frôlera, parce que je lui aurai pété sa tête avant.
Arthur (Réfléchit un instant.) Et ma femme ? La reine ?
Grüdü Avec tout le respect que je dois à une personne royale, Sire, si la reine essaie de vous toucher je lui bousillebousiller (v.) Démolir, détruire
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sa gueule.
Demetra Ce serait bête... du coup vous seriez obligé de choisir une autre reine...
Chambre de Demetra, nuit. Arthur et Demetra sont couchés dans le lit de cette dernière. Grüdü est assis à côté et monte la garde, impassible.
Demetra Et dès que vous aurez signé le traité, il vous protégera plus ?
Arthur Non. Là il me lâche pas, mais dans deux jours je peux bien crevercrever (v.) Mourir
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, il en aura plus rien à foutre.
Grüdü Quand même, faut pas exagérer...
Arthur Bah quoi, c'est vrai ou c'est pas vrai ?
Grüdü Attendez, l'affectif ça jouejouer (v.) Avoir son importance dans un contexte
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aussi ! À force d'être ensemble, des liens se créent. C'est obligé.
Arthur (Interloqué.) Des liens se créent ? (À Demetra.) Mais qu'est-ce qu'il me raconte... (À Grüdü.) Vous me filez le train« filer le train » (loc.) Suivre quelqu'un de près
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depuis deux heures de l'après-midi.
Grüdü Ouais, mais je vous apprécie vachement. Je trouve que vous avez beaucoup de noblesse. Vous exercez votre pouvoir avec humilité et grandeur, et c'est vraiment beau à voir.
Arthur Bon bah si vous m'aimez bien, vous pouvez pas me faire une fleur« faire une fleur » (loc.) Accorder une faveur
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 ?
Grüdü Si, tout ce que vous voulez.
Arthur Vous pouvez pas quitter la pièce une petite demi-heure ?
Grüdü (Lève les yeux au ciel.) J'ai pas le droit de vous laisser.
Arthur (Réfléchit un instant, puis saisit la dague de Grüdü.) Pardon, je vais prendre ça deux secondes... (Place la dague sous sa propre gorge.) Ha ! Et là qu'est-ce qui se passe ? Hé oui ! Je me menace, il faudrait me buterbuter (v.) Tuer
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mais vous avez pas le droit de me toucher ! Ah ! Hein ?
Grüdü (Pousse des râles de panique comme un animal traqué.)
Arthur (Retire la dague de sa gorge.) Non non, ça va calmez-vous, calmez-vous, c'était pour déconner.
Grüdü (Panique de plus en plus, en grimaçant.)
Arthur C'était pour déconner, ça va, c'était une connerie ! Oh ! Ça va ! Tiens, un morceau de viande ! (Sort un morceau de viande et le tend à Grüdü.) Un morceau de viande ! Un morceau de viande.
Grüdü (Saisit le morceau de viande avec les dents et le mâche avidement.)
Arthur (Soupire.) Putain ça va être long, deux jours...
(Fermeture.)
Chambre d'Arthur, nuit. Arthur et Guenièvre sont couchés dans leur lit. Grüdü est assis à côté et monte la garde, impassible. Arthur lit un parchemin.
Guenièvre (Enjôleuse.) Et si vous laissiez tomber la lecture pour un petit moment ? (Se rapproche d'Arthur.)
Grüdü (Fond sur elle et la menace de sa dague.) Recule, recule ou je te crève les yeux !
Arthur (À Guenièvre, faussement navré.) Ouais non, j'ai... j'ai pas le droit, parce que y a le traité de paix, tout ça, alors je suis... je suis désolé hein. (Lance un morceau de viande à Grüdü.)
(Noir.)
Arthur En fait c'est pas désagréable de se sentir protégé.
(Stab final.)