Le Billet Doux

Livre I – épisode 73

Chambre d'Arthur, soir. Guenièvre est assise dans sa chambre et se fait coiffer par Angharad.
Guenièvre Je vous dis que y a pas de problème. Vous parlerez au roi demain matin.
Angharad J'ose pas.
Guenièvre Mais si ! Il va pas vous manger hein !
Angharad Mais j'ai peur qu'il m'envoie promener !
Guenièvre Ah, par contre il va vous envoyer promener, c'est sûr. Mais vous savez, moi aussi, quand je lui parle, il m'envoie promener !
(Ouverture.)
Chambre d'Arthur, matin. Arthur et Guenièvre sont au lit.
Angharad (Arrive avec un plateau de nourriture et le pose sur Arthur.)
Arthur (Ennuyé.) Oh... non mais j'avais oublié, ça...
Guenièvre Il faut toujours que vous râliez, hein.
Arthur Mais j'aime pas cette manie que vous avez prise de faire monter la bouffe au plumardplumard (n.m.) Lit
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 !
Angharad Ah si je peux me permettre, j'en suis pas dingue non plus hein. Madame n'a pas idée de la surcharge de travail...
Guenièvre À Rome, ça se fait beaucoup !
Angharad Oui, à Rome les maisons sont à plat ! Hein, les collègues sont pas obligés de se coltiner six étages avec le plateau !
Guenièvre Oh, ben vous êtes d'une humeur, ce matin, tous les deux !
Arthur Non et puis on fout des miettes dans le lit, ça gratte, euh... (Remarque qu'Angharad est toujours là.) Bon ben c'est bon, cassez-vousse casser (v.) Partir, s'en aller
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 !
Angharad (Timidement, à Guenièvre.) Si je peux me permettre de... de rappeler à Madame ce que Madame m'a promis hier ?
Guenièvre Ah oui ! (À Arthur.) La petite voudrait vous parler.
Arthur À moi ?
Guenièvre À vous. Alors vous êtes gentil hein ! Vous l'écoutez et puis vous essayez de vous montrer compréhensif. Moi, je vais prendre mon bain ! (Elle part.)
Chambre d'Arthur, matin. Arthur est au lit et mange une pomme. Angharad est assise à côté du lit.
Angharad Monsieur sera témoin que je ne suis pas du genre à avoir des histoires avec tous les hommes qui résident au château.
Arthur C'est-à-dire ?
Angharad Oh c'est-à-dire que je connais pas mal de filles dans le métier qui arrondissent la solde en faisant des heures supplémentaires, si vous voyez ce que je veux dire...
Arthur C'est possible, oui... et vous, non ?
Angharad Enfin certainement pas !
Arthur Très bien. Très bien très bien... qu'est-ce que vous voulez que ça me foute ?
Angharad Monsieur... Monsieur n'est pas sans connaître les choses de l'amour ?
Arthur Les choses de l'amour, comment vous voulez dire ?
Angharad Ah bah lorsqu'une femme s'éprend d'un homme... avec sincérité, j'entends hein ! C'est une chose qu'il lui est difficile de réprimer.
Arthur Ouais...
Angharad Et lorsque les sentiments sont profonds, alors l'amour est une chose qu'on se peut déclarer franchement sans avoir à rougir. Hein ?
Arthur (Ne répond rien.)
Angharad Non ?
Arthur Si si si si, ouais non si ! Je vous écoute !
Angharad Simplement, la personne à laquelle mon cœur s'accroche est... une personne... (murmurant) importante.
Arthur Importante ?
Angharad Très importante. Une personne de premier plan, même, si vous voyez ce que je veux dire. Oserai-je avouer à Monsieur de qui il s'agit, alors ça...
Arthur (Inquiet.) Ben ça dépend de qui il s'agit...
Angharad (Après un instant, sur le ton de la confession.) Le seigneur Perceval !
Arthur (Soulagé.) Ah ! Ah bon ! Ah, mais vous m'avez flanqué les jetons !
Angharad Oh, je sollicite de votre bonté, Sire, de bien vouloir entretenir le seigneur Perceval de la flamme qui m'anime.
Arthur Moi ? Pourquoi moi ?
Angharad Parce que.. moi j'y arrive pas...
Arthur Vous osez pas ?
Angharad Si ! Si si, si si, si. Si, si. Mais... il comprend rien.
Couloir du château, matin. Arthur est devant la porte de la chambre de Perceval, mal réveillé.
Perceval (Ouvre la porte, mal réveillé.) Ah Sire ! Si j'avais su, j'aurais passé une liquetteliquette (n.f.) Chemise
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 !
Arthur Non non mais c'est pas grave. Euh, est-ce que je peux vous parler une minute ?
Perceval Bien sûr, entrez.
Arthur Non non ça va, je... je vais rester là.
Perceval Bah entrez !
Arthur Non ! Je vous dis que non. Déjà parce que vous êtes euh... voilà, et puis en plus là-dedans, ça... (Siffle en mimant de se pincer le nez.) Bref. Euh... est-ce que vous connaissez un petit peu les choses de l'amour ?
Perceval Les choses de l'amour ?
Arthur Oui.
Perceval Ben tout dépend...
Arthur D'accord. Euh, parce que là il s'agit d'Angharad.
Perceval Quoi, Angharad ?
Arthur Angharad, les choses de l'amour... vous comprenez ?
Perceval Vous et Angharad ?
Arthur Non, vous et Angharad.
Perceval Ah non. Non non.
Arthur Ah non mais ne dites pas non, je vous pose pas la question. C'est un fait, je vous le dis, voilà : vous, Angharad... les choses de l'amour.
Perceval Ah bon.
Arthur Voilà. Tout est clair ?
Perceval J'irais pas jusque-là mais...
Arthur Ouais. Voilà donc bah je suis désolé de vous avoir réveillé... à plus tard. (Part.)
Perceval (Reste perplexe.)
(Fermeture.)
Taverne, jour. Perceval et Karadoc sont assis à la taverne.
Perceval Vous y connaissez quelque chose aux choses de l'amour, vous ?
Karadoc Ah non, je suis une vraie billebille (n.f.) Individu peu expérimenté
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Perceval Moi pareil. Voyez, on est venu me parler d'amour ce matin... j'ai rien pigé.
Karadoc Vous savez... je pense que c'est comme pour tout, hein. On l'a ou on l'a pas.
(Noir.)
Karadoc Moi par exemple, ben... je l'ai pas.
(Stab final.)