La Crypte Maléfique

Livre III – épisode 76

Couloir du château, nuit. Perceval se tient devant la chambre d'Arthur, qui vient d'en ouvrir la porte, mal réveillé.
Arthur Qu'est-ce qui se passe ?
Perceval Rien de grave, Sire.
Arthur Rien de grave ? Non mais vous vous rendez compte de l'heure qu'il est, espèce de gros tarétaré (n.m.) Fou, dégénéré
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 ?
Perceval J'arrive pas à fermer l'œil !
Arthur Mais moi si !
Perceval Mais c'est à cause de la mission de demain.
Arthur (Soupire.) Oui ben bon oui, on a toujours un peu de mal à dormir avant de partir en mission... vous êtes nerveux ?
Perceval Non, j'ai les jetons.
Arthur Vous inquiétez pas, ça se passera bien.
Perceval Juste Karadoc et moi, avec tous ces morts-vivants, sans blague, je suis pas rassuré.
Arthur Mais qu'est-ce que vous voulez que j'y fasse, moi ?
Perceval Ben justement, je me disais un truc, si vous vous levez maintenant et que vous préparez vos affaires, vous avez encore le temps de partir avec nous.
(Ouverture.)
Couloir du château, nuit. Perceval se tient devant la chambre d'Arthur, qui se tient dans l'embrasure de la porte.
Arthur Vous pouvez pas vous démerder ?
Perceval Allez Sire, c'est la dernière fois !
Arthur Mais chaque fois, c'est la dernière fois ! Vous êtes pas foutus de faire un truc sans moi !
Perceval La dernière fois qu'on est partis tous seuls, vous avez piqué une crise parce qu'on n'a rien ramené.
Arthur Non mais j'ai pas dit que je viendrais toujours avec vous pour autant !
Perceval Juste cette fois, comme ça vous nous montrez des ficelles.
Arthur Mais j'en ai marre de vous montrer des ficelles, de toutes façons vous pigez jamais rien !
Perceval Attendez, j'ai compris, là... c'est pas des vrais ficelles pour attacher. Allez, Sire !
Arthur Non ! (Ferme sa porte.)
Perceval (Fortement.) Allez, Sire, si vous venez pas on va décéder !
Crypte maléfique, jour. Arthur, Perceval et Karadoc progressent dans un couloir.
Karadoc C'est vraiment sympa d'être venu, Sire !
Perceval Vous vous rendez pas compte, quand vous êtes là, on fait vachement de progrès. Nous, avant, on se mettait pas l'un derrière l'autre, on progressait pas.
Arthur Comment ?
Karadoc C'est pas ça que vous avez dit tout à l'heure ?
Arthur Qu'est-ce que j'ai dit ?
Perceval Vous avez dit : « On progresse l'un derrière l'autre. » Nous, on savait pas !
Karadoc D'habitude, on se mettait côte à côte comme des cons.
Perceval Du coup, on progresse jamais !
Arthur « Progresser », ça veut dire « avancer ».
Perceval Oui c'est ce que je dis, on n'avance jamais, parce qu'on n'est pas l'un derrière l'autre.
Arthur (Acquiesce, visiblement peu convaincu.)
Perceval Attendez, c'est comme le coup du château hanté, en fait, ça a rien à voir avec la forme du château.
Karadoc Ah mais vous aussi vous aviez compris ça ?
Perceval Mais ouais ! Sauf depuis ce matin, vous avez dit « C'est un château en L », donc là, « château hanté », c'est pas la forme ! Et hop, du coup, on progresse l'un derrière l'autre.
Karadoc C'est hyper important que vous veniez avec nous, Sire !
Arthur C'est aussi hyper important que vous finissiez un jour par vous démerder sans moi.
Perceval Ça va venir, Sire, il faut pas trop vous impatienter.
Karadoc Rendez vous compte des progrès qu'on a faits, déjà !
Arthur Des progrès dans quelle matière ?
Perceval Parce qu'il faut progresser dans de la matière ?
Karadoc Oh putain, c'est fou ça...
Perceval Et voilà ! Encore un truc qu'on savait pas ! Parce que nous jusqu'à aujourd'hui, on marchait de côté, il faut bien comprendre ça, et là tac, l'un derrière l'autre, dans de la matière.
Karadoc C'est un vrai bond en avant !
Perceval Et là c'est pareil, « un bond en avant », y a quelques années, on aurait sautillé. (À Karadoc.) C'est vrai ou pas ?
Karadoc Mais bien sûr ! Y a pas de honte, on savait pas.
Perceval Maintenant c'est bon, on a pigé. C'est une métaphore !
Arthur (Surpris.) Oh ! De quoi ?
Perceval C'est pas ça ?
Karadoc Non, « métaphore » c'est pas une famille qui est dans le besoin et qui refuse de l'aide par fierté ?
Perceval J'ai oublié. Non, mais c'est un des deux en tout cas.
Arthur Attendez attendez attendez, qu'est-ce que vous entendez exactement par « métaphore » ?
Perceval « Métaphore », c'est un truc, il faut pas faire ce que ça dit ! Par exemple, « faire un bond en avant », je sautille pas ! « Envoyer promener quelqu'un », il faut pas qu'il parte trop loin. « Monter à l'assaut », en fait c'est pareil. Je bouge pas.
Karadoc Ah, Sire. Y a un truc que je voulais vous demander.
Perceval Ouais moi aussi.
Karadoc Les morts-vivants.
Perceval Ah ouais, c'est bien !
Karadoc Les morts-vivants, c'est... ou l'un ou l'autre ?
Arthur Non, les morts-vivants, c'est les deux à la fois.
(Perceval et Karadoc ne comprennent visiblement pas.)
Arthur Je... je vais pas vous l'expliquer aujourd'hui, ça, hein ? Parce que vous avez déjà fait beaucoup de progrès.
(Fermeture.)
Crypte maléfique, jour. Arthur, Perceval et Karadoc se tiennent devant un trésor.
Karadoc C'est quand même beau.
Perceval Même si c'est vous qui avez tout fait, Sire... nous, de notre côté, on progresse.
Arthur (Agacé.) Ouais non, ça va, je sais.
Karadoc Et les morts-vivants que vous avez tués, ils étaient morts ou vivants ?
Arthur Ils étaient morts et vivants...
(Perceval et Karadoc se regardent, perplexes.)
Arthur Bon, de toute façon je ne vous l'expliquerai pas aujourd'hui, n'insistez pas. Alors (siffle) vous prenez le pognon, on s'en va.
Karadoc Ah non, Sire, on préfère vous regarder faire.
(Noir.)
Perceval Comme ça on comprend les ficelles.
(Stab final.)