La Conscience D'Arthur

Livre II – épisode 97

Coin du feu, nuit. Perceval est assis devant la cheminée.
Arthur (Arrive et s'assoit devant la cheminée.) Je vous dérange ?
Perceval Allez-y, Sire !
Arthur Il paraît que aujourd'hui, vous étiez à deux doigts d'un indice capital sur l'emplacement du Graal ?
Perceval Ouais, c'est vrai !
Arthur Et il paraît aussi, que vous avez tout foiré, et qu'on peut plus rien y faire !
Perceval Ouais, ouais, c'est vrai !
Arthur Vous voulez m'en parler, un peu ?
(Ouverture.)
Coin du feu, nuit. Arthur et Perceval sont assis devant la cheminée.
Perceval Moi, au bout d'un moment, je veux bien faire des tas de choses, mais il faut être un minimum précis ! Le vieux m'a dit : « Tu feras vingt lieux vers le nord pour atteindre les pleines de la perdition. »
Arthur Pourtant, moi ça me paraît clair !
Perceval Non mais parce que là, je vous le fais à ma sauce ! Déjà il m'a tout mis dans le désordre ce vieux con ! Exactement, il m'a dit : « Gna gna gna les plaines de la perdition, vingt lieux vers le nord, tu feras. » Vous allez pas me dire !
Arthur Je suis désolé mais ça change pas tellement le sens !
Perceval Ben si ! C'est ce que je vous dis ! Ça m'a changé le sens !
Arthur Non mais... Ça change pas le sens de la phrase !
Perceval Ben si ! Il a fait la phrase, mais c'était pas dans le bon sens !
Arthur Bon, écoutez ! Moi la seule chose que je vois, c'est que vous vous êtes encore débrouillé pour passer à côté d'une belle occasion d'en savoir plus sur le Graal !
Perceval Ah ouais, mais après, je l'ai perdu, le vieux.
Arthur Non, écoutez ! Taisez-vous ! Vous êtes un naze ! Alors allez-vous coucher, je veux plus vous voir !
Perceval (S'en va, abattu.)
Coin du feu, nuit. Arthur et sa conscience personnifiée sont assis devant la cheminée. La conscience d'Arthur a les bras croisés.
Arthur (Regarde sa conscience.) Quoi ?
La conscience d'Arthur (Ne répond rien.)
Arthur (Insistant.) Quoi ?
La conscience d'Arthur Rien ! J'ai rien dit !
Arthur Je peux plus le supporter. Je suis désolé, c'est physique. Je préfère qu'il se barrese barrer (v.) Partir, s'en aller
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, parce qu'il va s'en prendre une !
La conscience d'Arthur Non, mais après, vous gérez comme vous pouvez, c'est sûr, hein ! Vous êtes pas patient, vous êtes pas patient.
Arthur Un renseignement capital pour le Graal ! Si cet abruti savait trouver le nord, ce soir, le Graal, je dormirais peut-être avec !
La conscience d'Arthur Non mais c'est sûr ! Non mais là, je crois qu'il a bien compris la leçon ! Ça m'étonnerait qu'il dorme, d'ailleurs ! Triste qu'il doit être de vous avoir encore déçu...
Arthur Oui bon, ça va ! Où est-ce que vous voulez en venir ?
La conscience d'Arthur Perceval, c'est comme un gamin. Et qu'est-ce que c'est, la plus grande peur des gamins ?
Arthur Je sais pas... l'ogre des collines... la soupe de poissons...
La conscience d'Arthur Être abandonnés. Et pour pas être abandonnés, ils sont obligés de correspondre, à ce que leurs parents leur disent qu'ils sont.
Arthur J'ai rien compris.
La conscience d'Arthur Perceval, vous n'arrêtez pas de lui dire que c'est un nul. Hé ben si il veut que vous continuiez à le reconnaître, il est obligé d'en être un. Quelque part, ça le rassure.
Arthur Ça le rassure d'être un nul ?
La conscience d'Arthur Tant que vous lui dites qu'il en est un, oui !
Arthur Ah ben elle pas mal, celle-là !
La conscience d'Arthur Attention, moi je vous cause subconscient, hein, euh, prenez-le pas au pied de la lettre !
Arthur Non mais je rêve ! Je me farcisse farcir (v.) Endurer, supporter
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le pire con du monde britto-romain mais c'est bon, c'est ma faute ! J'avais qu'à pas lui dire !
La conscience d'Arthur (Soupire, dépité.) On peut pas parler.
Coin du feu, nuit. Arthur et Perceval sont assis devant la cheminée.
Perceval Je l'ai toujours dit ! Faut arrêter ces conneries de nord et de sud ! Une fois pour toutes, le nord, selon comme on est tourné, ça change tout ! De toute façon, le vieux, si je lui retombe dessus, il mange un marron ! Ça, c'est obligé.
Arthur Non mais c'est bien déjà, parce que vous aviez trouvé une piste.
Perceval Qu'est-ce que vous dites Sire ?
Arthur Bah... bon, vous avez pas pu donner suite, mais... vous aviez une piste.
Perceval Mais Sire, euh... j'ai quand même tout foiré !
Arthur (Se faisant violence.) Non ! Parce que vous êtes tombé sur une personne peu précise, qui utilise des termes fluctuants, comme par exemple les points cardinaux... (Lève les yeux au ciel.)
Perceval Quels cardinaux ?
Arthur Hé ben le nord, le sud !
Perceval Ah mais ça vient de là, le nom ? C'est les cardinaux !
Arthur Bon, bref. (Sans grande conviction.) Vous êtes... un grand chevalier.
Perceval (Tombe de sa chaise.)
(Fermeture.)
Coin du feu, nuit. Devant la cheminée, Perceval est évanoui au pied de sa chaise. Arthur tente de le ranimer.
Arthur Hé ! Vous êtes un gros nul ! D'accord ? Un vrai gros naze !
Perceval (Rouvre les yeux.)
Arthur Ça va mieux ?
Perceval Je sais pas ce qui s'est passé ! J'ai vu tout blanc, après tout noir, et après deux fois tout blanc !
(Noir.)
Arthur Respirez, respirez, voilà... respirez.
(Stab final.)