Arthur Sensei

Livre III – épisode 58

Cour du château, jour. Calogrenant, Perceval et Karadoc discutent.
Calogrenant À ça il était, à ça ! L'autre, il était empêtré dans les hautes herbes, il avait qu'à tendre son épée droit devant il le tuait !
Karadoc Mais Bohort, il sort pas son épée !
Calogrenant Ah si si, il la sort ! Mais il s'en sert de canne pour marcher.
Karadoc Ou des fois, il met une saucisse au bout pour mettre au-dessus du feu. C'est moi qui lui ai appris.
Calogrenant J'en reviens pas. Le chef, il pouvait buterbuter (v.) Tuer
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le chef. La guerre était finie, on restait ici peinards.
Perceval Vous savez, faudrait que vous preniez cinq minutes pour lui apprendre à se battre.
Calogrenant Figurez-vous que j'ai autre chose à faire !
Perceval Ouais, pareil. Nous on pourrait le faire, surtout pour la partie technique. On est sans arrêt en train de faire évoluer, alors...
Karadoc C'est trop pointu. Il serait perdu.
(Ouverture.)
Chambre de Bohort, matin. Arthur se tient debout à côté du lit de Bohort, où ce dernier dort.
Arthur (Jette un seau d'eau au visage de Bohort.) Allez hop ! Debout ! (Tape sur le lit.)
Bohort Mais... mais Sire, que se passe-t-il ?
Arthur Il se passe que c'est l'heure. Alors, mettez vos michesmiche (n.f.) Fesse
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dans vos vêtements, on y va ! (Jette les vêtements de Bohort sur ce dernier.)
Bohort Mais ? On va... où ça ?
Arthur Dans la cour pour votre entraînement !
Bohort Mais... mon entraînement de quoi ?
Arthur Votre entraînement aux armes. À propos, où est-elle ?
Bohort Vous cherchez quelque chose ?
Arthur Votre épée.
Bohort Mais elle n'est pas là !
Arthur Pas là ? Un chevalier ne reste jamais loin de son épée !
Bohort Je vais pas garder une épée dans ma chambre... imaginez que je me coupe...
Cour du château, jour. Arthur et Bohort se font face.
Arthur Bon, la première chose à maîtriser, c'est la distance.
Bohort (Rassuré.) Ah bon...
Arthur De quoi « ah bon » ?
Bohort Non mais moi, tant qu'on parle pas de se battre, tout va bien !
Arthur Mais de quoi croyez-vous qu'on parle, andouille ?
Bohort Ben, vous me dites « les distances »...
Arthur Les distances de combat !
Bohort (Déçu.) Évidemment...
Arthur Je vais vous dire une chose Bohort, le fait que vous n'ayez pas... (Se ravise et reprend plus bas.) Le fait que vous n'ayez pas fait vos classes, passe encore, quoi que je me trouve déjà très sympathique de pas déjà vous avoir foutu à la porte de la Table ronde, mais alors que vous me loupiez un coup comme celui de l'autre fois alors ça, ça c'est intolérable.
Bohort Je sais, j'étais pétrifié. Ce chef vandale était une monstruosité !
Arthur Je veux pas le savoir ! Alors, on va tout reprendre depuis le début, moi je vais vous les faire vos classes. Allez, en piste ! Donc, comme je disais la première chose à maîtriser c'est...
Bohort (Ne répond rien.)
Arthur La distance ! Alors mettons que là, je sois menaçant. À quelle distance croyez-vous qu'il faille se tenir de moi pour prendre le moins de risques possible ?
Cour du château, jour. Arthur et Bohort se tiennent face à face, à une vingtaine de mètres d'écart l'un de l'autre.
Bohort (Criant.) Je dirais que c'est à peu près là ! Après, le risque, c'est les tirs de flèches ! Disons que... ça me semble un bon compromis !
Cour du château, jour. Arthur et Bohort se font face.
Arthur Voilà donc là on est d'accord, la distance ça n'allait pas.
Bohort Je sais. Ça aurait été que de moi« n'être que de (quelqu'un) » (loc.) Ne dépendre que de quelqu'un
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, j'aurais été plus derrière, dans d'autres fermes, mais... là-bas y a les chèvres et les béliers. Ça vaut pas le coup d'éviter un danger pour se précipiter dans un autre !
Arthur Je... persiste à croire que c'était un poil trop loin, (se rapproche de Bohort) alors que là, vous voyez, en revanche, là c'est un petit peu trop près. (Décoche un violent coup de poing à Bohort.)
Bohort Mais... mais Sire ?
Arthur Rien ne vaut l'exemple. Votre position n'était pas sécurisée.
Bohort Mais vous auriez pu me le dire !
Arthur Oui bah voilà, je vous le dis. Là, on est en combat à mains nues. Je pense que la bonne distance c'est à peu près ça parce que pour vous toucher, je dois faire un pas. (Fait un pas en avant et fait semblant de porter un coup de pied au buste de Bohort.) Voyez-vous ?
Bohort Mais c'est quoi que vous faites, là ?
Arthur De quoi « c'est quoi » ? Je vous donne un coup de pied.
Bohort Un coup de pied dans le buste ? Mais, c'est de la folie ! La douleur doit être atroce...
Arthur (Frappe un coup de pied sauté dans le buste de Bohort.)
Cour du château, jour. Arthur et Bohort se font face, Bohort est plié en deux et se tient le ventre.
Arthur Vous n'avez pas pris assez de coups, Bohort. Du coup, vous n'avez même pas la présence d'esprit d'esquiver.
Bohort (À peine audible, à bout de souffle.) À chaque bataille, je fais tout pour rester au camp à surveiller les chevaux. C'est une forme d'esquive...
Arthur Vous voulez pas au moins essayer d'apprendre une... une parade de coup de pied, ou de coup de poing ? Ou n'importe quoi, une parade de pichenette, je sais pas ?
Bohort Attendez... avant tout, je pense qu'il serait judicieux que je vomisse.
(Fermeture.)
Cour du château, jour. Arthur et Bohort se font face, en position de combat à mains nues.
Arthur Vous êtes prêt ?
Bohort Je sais pas...
Arthur Allez allez allez, concentrez-vous. Hop ! (Porte un coup à Bohort, qui le pare.)
Bohort Ah mon dieu, c'est ça ? C'est ça, n'est-ce pas, j'ai paré le coup !
Arthur Mais oui mais parfaitement ! Et puis alors maintenant, vous en profitez pour me... ré-attaquer.
Bohort Ah ben non quand même, il faut pas exagérer...
Arthur Allez allez allez allez allez, hop ! (Replace les bras de Bohort dans la bonne position.) Vous êtes prêt ? Hop ! (Porte un coup à Bohort, qui le pare.)
Bohort (Assène un violent coup de poing à Arthur.)
Arthur (S'effondre.)
Bohort Sire ! Sire ! Répondez-moi ! Je ne voulais pas...
(Noir.)
Bohort Je suis un misérable !
(Stab final.)